OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [Vizu] Sécurité olympique http://owni.fr/2012/07/27/securite-jeux-olympiques-londres-g4s/ http://owni.fr/2012/07/27/securite-jeux-olympiques-londres-g4s/#comments Fri, 27 Jul 2012 17:53:23 +0000 Pierre Alonso, Sabine Blanc http://owni.fr/?p=117234 Owni plonge dans un Londres sous haute surveillance. Avec une infographie et un chiffre clé : 1 athlète pour 4 agents de sécurité (toutes catégories confondues).]]>

Pour ces XXXe olympiades qui s’ouvrent vendredi à Londres, les organisateurs ont vu sécurisé, très sécurisé. Un chiffre pour illustrer cette démesure : quatre agents de sécurité, toutes catégories confondues, pour un athlète (voir notre visualisation).

L’armée britannique met à disposition 17 000 hommes, soit 70% de plus que les troupes présentes en Afghanistan. Initialement, les effectifs ne devaient pas être aussi étoffés : au dernier moment, 3 500 hommes ont été appelés, pour pallier l’échec de la société de sécurité privée G4S, médaille d’or incontestée des ratés.

Médaille d’or du fiasco

“Fiasco”, “désastre”, “inexcusable”, “inacceptable”. “Amateur”. Les députés britanniques n’avaient de mots assez forts pour qualifier “l’humiliant” échec de G4S, rapporte le Guardian dans un article acerbe. Nicola Blackwood, députée conservatrice d’Oxford Ouest et Abingdon, confiait alors avoir eu peu confiance en G4S auparavant, “et plus du tout à présent”.

Le géant de la sécurité privée avait remporté l’appel d’offre et devait, dans un premier temps, fournir 2 000 gardes, pour un contrat de 86 millions de livres (environ 108 millions euros). Un deal revu à la hausse en décembre : c’est finalement plus du quintuple des effectifs que l’entreprise s’engage à apporter, 10 400 hommes et une addition qui s’élève à 284 millions de livres (362 millions d’euros).

Mais patatra ! Alors que la date fatidique se rapproche, G4S annonce qu’il ne pourra honorer ses engagements. Le 12 juillet, deux semaines avant le début de la grand’messe sportive, l’entreprise déclare que les objectifs de recrutement et de formation n’ont pu être remplis. Coup dur pour l’organisation des JO, qui a placé la sécurité de l’événement au premier rang de ses priorités. Le souvenir des attentats de 2005 est encore vif. La veille de l’explosion dans les métros et le bus, le CIO avait annoncé que la candidature de Londres était retenue.

Opération déminage

Face au fiasco G4S, les autorités ont lancé une opération déminage, à grand renfort de méthode Coué. Le président de Londres 2012, Lord Sebastian Coe se montre confiant :

Nous allons travailler dur, nous allons remédier à cela. La sécurité ne sera pas compromise. Ce n’est pas une question de chiffre, c’est une question de mélange [des personnels, NDLR].

Même écho au ministère de la culture. “Il est complètement normal” pour un contractuel de ne pas réussir à tenir ses engagements sur un projet de cette envergure selon Jeremy Hunt, qualifiant au passage d’”honorable” le comportement de G4S. Les députés, qui ont convoqué le directeur, Nick Buckles, n’ont pas partagé ce point de vue… Nick Buckles lui-même a dit regretter d’avoir accepté son contrat.

La suite a donné raison aux sceptiques. Le Guardian a raconté que les examens pouvaient être repassés plusieurs fois par ceux qui échouaient à la première tentative. Les apprentis vigiles pouvaient discuter entre eux des réponses au vu et au su des surveillants. Quant à l’utilisation des scanners, les futurs agents ont reçu des formations, minimes, de 20 minutes pour apprendre à détecter les armes.

Militarisation du pays

Le fiasco de G4S aura eu deux conséquences sérieuses. Ruiner les chances de G4S pour l’appel d’offre concernant la gestion de neuf prisons et la privatisation la police dans les régions des Midlands de l’Ouest et du Surrey, un contrat record de 1,5 milliards d’euros. Et militariser le pays pendant toute la période des Jeux Olympiques.

Face aux lacunes de G4S, les autorités ont décidé de faire appel à l’armée. 17 000 militaires seront déployés, une situation inédite depuis… la Second guerre mondiale. Clou – acéré – du dispositif : des missiles sol-air ont été installés sur plusieurs sites à l’intérieur de la capitale, y compris sur les toits d’immeubles d’habitations.

Les habitants de la Fregg Wing Tower, dans l’Est de Londres, ont tenté de s’y opposer. En vain. La justice a donné raison à la sécurité. L’un des avocats des habitants, Martin Howe, l’a expliqué à Rue89 :

C’est la première fois, dans l’histoire de la Grande Bretagne, que pendant une période de paix des troupes, des armes sont postées dans une aire résidentielle, avec des citoyens lambda. La dernière fois, c’était pendant le Blitz, en 1941, quand la Luftwaffe est venue. C’était quand même très différent comme situation.

A Lexington, au nord du centre de Londres, un château d’eau accueille une batterie de missiles sol-air à grande vitesse d’une portée de 5 km. Un navire de guerre, le HMS Ocean, mouille dans les eaux de la Tamise et transporte des hélicoptères de combats. Le secrétaire d’État à la Défense, Philip Hammond a précisé que “[des] hommes déployés au sol seront épaulés par des jets rapides et des hélicoptères qui protégeront le ciel de Londres pendant les Jeux”.

Arrestations en série

Les services antiterroristes n’ont pas été en reste durant toute la préparation. Dans une rare déclaration publique, le chef du MI5 – le FBI de sa Majesté – avait averti que les Jeux Olympiques constituaient “une cible privilégiée” par certains groupes terroristes, ajoutant après les précautions oratoires de mise (“Parler du futur revient toujours à parler de l’incertitude”) :

Les jeux ne seront pas une cible facile. Nous avons démantelé de multiples projets terroristes ici et à l’étranger ces dernières années ce qui prouve bien que le Royaume-Un n’est pas une cible si facile pour le terrorisme.

Scotland Yard a allié le geste à la parole. Fin juin, deux suspects ont été interpelés par la section antiterroriste de la Metropolitan Police. Ils avaient été aperçus pagayant sur un canoë à proximité du village olympique et tirant avec des armes à feu dans l’Essex, à l’Est de Londres.

Quelques jours plus tard, sept autres suspects étaient arrêtés dans le nord du pays, officiellement sans lien avec les Jeux Olympiques, qui commencent vendredi soir. “Plus vite, plus haut, plus fort”, sous le plus mauvais temps que Londres ait connu depuis que les statistiques existent.

CLiquez sur l'infographie pour l'afficher en haute définition.


Infographie réalisée par Loguy, avec l’aide d’Aidan MacGuill, éditeur d’Owni.eu.
Les données et les sources utilisées pour l’infographie sont disponibles en suivant ce lien.

]]>
http://owni.fr/2012/07/27/securite-jeux-olympiques-londres-g4s/feed/ 1
L’Iran étrangle Internet http://owni.fr/2012/02/13/iran-etrangle-internet-filtrage-dpi/ http://owni.fr/2012/02/13/iran-etrangle-internet-filtrage-dpi/#comments Mon, 13 Feb 2012 11:14:07 +0000 Pierre Alonso, Sabine Blanc http://owni.fr/?p=98208

Je ne pouvais pas entendre sa voix, son visage ressemblait à une peinture cubique.

Samedi soir, Farnaz Seifi, une journaliste et blogueuse iranienne installée en Allemagne, a essayé d’appeler son frère en Iran par Skype, comme à son habitude. En vain : la République islamique d’Iran a lancé une nouvelle vague de censure contre Internet depuis jeudi dernier.  Sur les réseaux, des milliers d’Iraniens signalent ne plus pouvoir accéder à Facebook, Gmail ou Yahoo. Selon une agence de presse iranienne, 30 millions d’Iraniens auraient perdu leur accès à leur service mail, soit un tiers de la population.

Même le recours à des moyens de contournement de la censure – proxies ou Tor – serait inutile. Un mot-clé a été lancé pour l’occasion sur Twitter, filternet. En ligne de mire : les sites nécessitant une connexion sécurisée, utilisant le protocole SSL.  Selon les hacktivistes du projet Tor, les autorités iraniennes censurent le réseau de trois façons.  En scrutant en profondeur les connexions via la technique du deep packet inspection, en bloquant directement certaines adresses IP et en filtrant certains mots-clés.

La lenteur du débit est telle que “consulter ses emails devient presque un défi, détaille Farnaz. Mon frère ouvre Gmail, va se faire du thé, revient et la page d’accueil se charge toujours.” Une expérience qu’a également connu le correspondant du Washington Post en Iran, Thomas Erdbrink, et qu’il relate en 140 caractères :

Gmail a été bloqué toute la journée en Iran, c’est arrivé avant mais maintenant que les VPN fonctionnent si mal, c’est très ennuyeux.

Selon Farnaz, les autorités s’en sont aussi pris aux antennes paraboliques. La jeune femme raconte que les autorités vont aussi de maison en maison pour les réduire en morceaux. L’accès à l’information est tellement restreint que de nombreux Iraniens “twittent que notre pays sera bientôt semblable à la Corée du Nord, coupé du reste du monde”, se désole-t-elle.

Aide extérieure

La communauté de Tor a rapidement réagi après le début de cette offensive. 50 à 60 000 utilisateurs de Tor en Iran pourraient être victimes de la censure, selon Jacob Appelbaum, un des fers de lance du projet. Vendredi, il a lancé un appel :

Aidez les internautes iraniens à se connecter [...] Nous disposons de peu de détails, mais nous travaillons sur certaines solutions.

L’équipe d’activistes affirment disposer d’un jocker : un pont Tor (programme intermédiaire entre l’utilisateur et le serveur auquel il veut se connecter) qui permet de faire du “camouflage de trafic”. Reste aux volontaires à le déployer.

Filtrage massif

Contrairement à l’Égypte ou à la Syrie, le régime iranien ne semble pas avoir coupé l’accès du pays au réseau mondial. Le niveau du trafic entrant et sortant reste stable. Les chiffres de Cedexis, une entreprise spécialisée dans la mesure du trafic, ne montrent pas de rupture autour du 9 février. Le filtrage était donc ciblé, ce que confirme le Transparency Report fourni par Google. Entre le 9 et le 10 février, Gmail n’est plus accessible quand les autres services de Google le demeurent.

Transparency Report de Google sur l'utilisation de Gmail en Iran

Ce n’est pas la première fois que les autorités de Téhéran entendent en finir avec la messagerie de Google. L’année dernière, elles avaient annoncé leur intention de bloquer définitivement Gmail et de le remplacer par un service national. L’annonce, comme souvent, n’avait pas été suivie d’effet, mais avait fait planer des doutes sur la confidentialité des échanges sur une messagerie gérée par les autorités.

Élections en mars

Dès juin 2009, Téhéran avait fait les frais de l’utilisation des réseaux par les manifestants au lendemain de l’élection jugée frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad. La répression s’était alors abattue dans les rues et sur Internet. Depuis, aucune importante échéance électorale n’a eu lieu, les élections municipales étant reportée sine die depuis juillet 2010. Le 2 mars, les Iraniens se rendront aux urnes pour une autre élection, les législatives.

Les réformateurs ont annoncé leur intention de boycotter le scrutin. Mehdi Karoubi, l’un des chefs de file du mouvement vert, le mouvement d’opposition née au lendemain de la réélection d’Ahmadinejad, avait vivement critiqué fin décembre une parodie :

Les autorités ne croient pas au vote populaire et préparent une élection factice.

L’opposition a d’ailleurs lancé un appel à manifester. L’année dernière, le 14 février, 25 Bahman au calendrier iranien, avait été le dernier rassemblement du mouvement vert, organisé ce jour-là en soutien aux révoltes arabes. Le filtrage massif d’Internet est sans doute une réponse à ce nouvel élan des réformateurs. “L’opposition en exil a fait une déclaration et a demandé aux gens de sortir dans la rue pour protester ce mardi, explique Farnaz Seifi. Ils l’ont déjà fait à de nombreuse reprises auparavant, à chaque fois que  Moussavi et Karoubi demandent de manifester, ils bloquent l’accès des internautes à la plupart des sites et réduisent le débit autant qu’ils peuvent.”

Pour verrouiller cette poussée de révolte, la coercition traditionnelle a aussi été employée. “Ces derniers jours, ils ont convoqué des prisonniers politiques et des manifestants qui étaient détenus brièvement, rapporte Farnaz Seifi, et les ont forcés à promettre de ne participer à aucune manifestation durant cette période.”

Internet Halal

Ce regain de censure fait resurgir un vieux serpent de la dictature : la mise en place de l’Internet halal. Autrement dit, un Intranet géant, un “Internet national”, comme on l’appelle aussi. “Certains spécialistes estiment qu’ils ne peuvent pas bâtir un Intranet, en raison du manque d’équipement et de technologie, raconte Farnaz Seifi. Mais le ministre de la communication et de la technologie a affirmé plusieurs fois qu’ils travaillent dessus, et que l’accès à tous les sites ‘mauvais et diaboliques’ comme Facebook ou Twitter sera bloqué.”

Interrogé par Rue89, Reza Moini, responsable de l’Iran pour Reporters sans frontières, estime que cet Internet halal était bien en route :

On va de plus en plus vers un Internet national. Selon mes informations, certains endroits peuvent encore avoir accès à Internet, comme les grandes sociétés et les banques. Ils veulent de plus en plus séparer ces deux parties : un Internet filtré et à bas débit pour le peuple, et un autre pour les notables et les grandes entreprises.

Côté filtrage, le régime peut compter sur les technologies occidentales. Plusieurs entreprises ont été montrées du doigt pour avoir vendu du matériel de censure à la République islamique. En 2009, le rôle de Nokia et Siemens avait été dénoncés, de même qu’une entreprise irlandaise, AdaptiveMobile Security. Plus récemment, c’est une firme israélienne, via une entreprise danoise, qui a éveillé les soupçons. Allot Communications vendait des services d’interception des communications électroniques et des SMS. La  semaine dernière, Le Canard Enchainé révélait que le groupe Bull, dont fait partie Amesys, possède une succursale dans le pays depuis quelques années. Amesys, bien connue pour vendre à des gouvernements pas très démocratiques des solutions pour censurer le Net.


Illustration par Eric Drooker via Isaac Mao/Flickr (CC-by)

]]>
http://owni.fr/2012/02/13/iran-etrangle-internet-filtrage-dpi/feed/ 6