OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 “Nous ne voulons pas payer pour un contenu que nous n’hébergeons pas” http://owni.fr/2012/11/05/nous-ne-voulons-pas-payer-pour-un-contenu-que-nous-nhebergeons-pas-google-eric-schmidt/ http://owni.fr/2012/11/05/nous-ne-voulons-pas-payer-pour-un-contenu-que-nous-nhebergeons-pas-google-eric-schmidt/#comments Mon, 05 Nov 2012 17:13:53 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=125111 New York Times que sa firme ne paierait pas pour d'autres contenus que les siens. Entre les éditeurs de presse et Google, la trêve est loin d'être entamée.]]>

Portrait d'Eric Schmidt, PDG de Google par Paul Livingstone (CC-bync)

Lex Google : état des lieux

Lex Google : état des lieux

Oh, les jolis sourires crispés ! Ce lundi 29 octobre, François Hollande, accompagné des ministres Aurélie Filippetti ...

Entre Google et la presse, la situation se décante lentement. L’appel à l’apaisement, lancé dans les deux camps suite aux crispations des dernières semaines, semble avoir été entendu, dans l’attente de l’entame des “négociations” récemment souhaitées par François Hollande. Du moins en apparence. Car de son côté, Google continue tranquillement d’avancer ses pions. Et de camper sur ses positions.

“Nous ne voulons pas payer pour un contenu que nous n’hébergeons pas” a ainsi affirmé Eric Schmidt au New York Times, suite à sa tournée européenne. Bien sûr, le patron de Google garde une certaine mesure, assurant que les discussions avec François Hollande ont été “bonnes”. Mais fait aussi comprendre que le Président français n’est pas seul maître à bord. Et qu’il entend faire peser la voix de Google :

A chaque fois qu’il y a une négociation avec un gouvernement, il faut être très clair sur ce que l’on fera et ce que l’on ne fera pas. Et nous ne voulons pas payer pour un contenu que nous n’hébergeons pas. Nous sommes très clairs là-dessus.

Lex Google pour les nuls

Lex Google pour les nuls

Si les éditeurs de presse français n'ont pas encore déclaré officiellement la guerre à Google, le manège y ressemble. ...

Et le journal américain de commenter : “si la rhétorique de Google est toujours amicale, sa position est tout aussi ferme”. Le projet de loi soutenu par certains éditeurs de presse français et européens, qui demandent à Google de payer pour signaler leurs articles par des liens hypertexte, ne fait pas exception. Pour Eric Schmidt, c’est non. Le patron de Google a beau envisager une “sorte d’accord d’ici la fin de l’année”, rejoignant ainsi le souhait de François Hollande, il pose d’abord ses conditions. Et les expose dans la presse. Ses interlocuteurs sauront en apprécier l’ironie.

Certes subtiles, ces déclarations n’en tranchent pas moins avec les communiqués publiés par l’Elysée et Google suite à la rencontre de leur deux boss. D’un côté comme de l’autre, très peu d’informations avaient filtré. Encore aujourd’hui, il est difficile de connaître les modalités du “dialogue” et des “négociations” que François Hollande veut voir “rapidement s’engager et être conclusives d’ici la fin de l’année.”

Du côté de Google d’ailleurs, on affirme ne pas avoir connaissance d’un éventuel calendrier de discussions. Rien de tel n’aurait été “annoncé”, déclare-t-on à Owni. Et de seriner les éléments de langage d’usage : “Google discute depuis longtemps avec les éditeurs de presse”. Le mode de discussion resterait à les en croire inchangé.


Portrait d’Eric Schmidt, PDG de Google par Paul Livingstone [CC-bync] bidouillé par O.Noor pour Owni.

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Lex Google : état des lieux http://owni.fr/2012/10/29/lex-google-etat-des-lieux/ http://owni.fr/2012/10/29/lex-google-etat-des-lieux/#comments Mon, 29 Oct 2012 18:11:17 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=124448 Grosse ambiance à l’Elysée ! A 17h, François Hollande, accompagné des ministres Aurélie Filippetti (Culture) et Fleur Pellerin (économie numérique), rencontrait le big boss de Google, Éric Schmidt.

Lex Google pour les nuls

Lex Google pour les nuls

Si les éditeurs de presse français n'ont pas encore déclaré officiellement la guerre à Google, le manège y ressemble. ...

Prévue de longue date, la tournée européenne de ce dernier se voit quelque peu troublée par l’irruption du projet de loi dit de “lex Google”. Porté par des éditeurs de presse français, italiens et allemands, il vise à faire payer Google pour la création de liens hypertextes menant aux articles des journaux.

Un dispositif qui suscite depuis quelques jours des débats très vifs : d’un côté, certains éditeurs de presse, qui estiment que Google capte la valeur des articles pour alimenter ses services et au passage ses revenus publicitaires ; de l’autre, Google qui menace de déréférencer tout ce petit monde, au motif que ce dispositif serait contraire au principe même de moteur de recherche et à la presse française elle-même. Sans oublier toutes les autres voix, ni pro-Joffrin, ni pro-Google, qui s’interrogent simplement sur le bien fondé d’un tel mécanisme et, plus avant, d’une telle réflexion.

En attendant le compte-rendu de cette réunion, rapide tour d’horizon des positions des uns et des autres, présents cet après-midi au Palais présidentiel. Sourires crispés, camps qui se font face : la lourde ambiance présagée par les passes d’armes de ces derniers jours paraît presque se matérialiser.

[Survolez la photographie ci-dessus pour faire apparaître les pictos. Cliquez dessus pour en savoir plus.]

Mise à jour 30 octobre : des négo ou une loi

Dur dur de connaître le détail de ce qui s’est dit à l’Elysée ! Mais a priori, la voie de la négociation, privilégiée par Fleur Pellerin, serait dans un premier temps préférée à la création, par la loi, d’un droit voisin.

Dans un communiqué, l’Elysée indique en effet que “le président a par ailleurs souhaité que des négociations puissent rapidement s’engager et être conclusives d’ici la fin de l’année entre Google et les éditeurs de presse. Il a souligné que le dialogue et la négociation entre partenaires lui paraissaient la meilleure voie, mais que si nécessaire, une loi pourrait intervenir sur cette question, à l’instar du projet en cours en Allemagne. “

Mis à part les “engagements” du patron de Google sur “un appui au développement numérique des PME et l’installation de l’institut culturel à Paris”, difficile de savoir ce qui est sorti de la bouche d’Eric Schmidt. Sans compter qu’outre le projet de loi concernant la presse française, Google est aussi titillé sur les questions de données personnelles ou de fiscalité du numérique. Du côté du géant américain, on botte en touche : interrogé par Owni, Google souligne seulement le caractère non exceptionnel d’une telle visite, qui a pu être interprétée comme une réponse à la crispation de la semaine dernière autour de la lex Google : “La visite d’Eric Schmidt était prévue depuis longtemps. Il s’est rendu en France à de nombreuses occasions pour y rencontrer le chef de l’Etat et des membres du gouvernement, afin d’échanger avec eux sur la contribution d’Internet à la création d’emplois et au rayonnement de la culture française dans le monde.”


Retrouvez tous nos articles sur le sujet : #lexgoogle.

Photo postée sur le compte Twitter de l’Élysée.

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Colères d’Arabie : le logiciel espion http://owni.fr/2012/09/06/coleres-darabie-le-logiciel-espion/ http://owni.fr/2012/09/06/coleres-darabie-le-logiciel-espion/#comments Thu, 06 Sep 2012 15:20:55 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=119609
Arabes en colère

Arabes en colère

Le Bahreïn vient de condamner le principal défenseur des droits de l'homme bahreïni à la prison à perpétuité, après ...

Au printemps dernier, un Bahreïni exilé à Londres, une économiste britannique résidant à Bahreïn et le propriétaire d’une station service en Alabama, naturalisé Américain, recevaient un e-mail émanant apparemment d’une journaliste d’Al-Jazeera.

Il y était question d’un rapport rédigé par Zainab Al-Khawaja, sur les tortures infligées à Nabeel Rajab, deux des défenseurs des droits de l’homme incarcérés (et probablement torturés) à Bahreïn, suivi de cette précision :

Merci de vérifier le rapport détaillé en pièces jointe, avec des images de torture.

Quelques jours plus tard, ils recevaient d’autres emails évoquant l’arrestation d’opposants bahreïnis, ou encore l’agenda du roi de Bahreïn, et systématiquement accompagnés de fichiers compressés en pièce jointe, laissant penser qu’il pourrait s’agir de virus informatiques.

Ces e-mails, transmis au journaliste de Bloomberg Vernon Silver (qui a particulièrement suivi l’utilisation de technologies de surveillance occidentales par les dictatures arabes), ont ensuite été analysés par deux chercheurs associés au Citizen Lab, un laboratoire de recherche canadien qui étudie notamment les technologies de surveillance politique.

Morgan Marquis-Boire, un ingénieur en sécurité informatique travaillant chez Google, est un spécialiste (.pdf) des logiciels espions utilisés par les barbouzes libyens et syriens pour pirater les ordinateurs des cyber-dissidents. Bill Marczak, un doctorat en informatique de Berkeley, fait quant à lui partie de Bahrain Watch, qui veut promouvoir la transparence au Bahreïn, et dont le site tient la comptabilité des manifestants et civils tués par les autorités, des armes (chevrotine, grenades et gaz lacrymogènes) achetées à des entreprises occidentales, et des entreprises de relations publiques anglo-saxonnes financées par le régime.

Un gros requin de l’intrusion

Un gros requin de l’intrusion

En partenariat avec WikiLeaks, OWNI révèle le fonctionnement de FinFisher, l'une de ces redoutables armes d'espionnage ...

En analysant les e-mails envoyés aux défenseurs des droits de l’homme bahreïnis, les deux chercheurs ont découvert un logiciel espion particulièrement perfectionné, utilisant une “myriade de techniques destinées à échapper à toute forme de détection“, notamment par les antivirus, dont le code n’en mentionnait pas moins, et plusieurs fois, le mot FinSpy, la société Gamma International, et le nom de plusieurs de ses responsables.

FinSpy, à en croire cette proposition de contrat trouvée en mars 2011 dans l’un des bâtiments de la sécurité égyptienne après la chute du régime Moubharak, est vendu près de 300 000 euros. C’est l’un des produits phares de la gamme d’outils de “lutte informatique offensive” commercialisés par FinFisher, filiale de la société britannique Gamma, spécialisée dans les systèmes de surveillance et d’interception des télécommunications. Owni avait déjà eu l’occasion de présenter sa gamme de produits, et même de réaliser un montage vidéo à partir des clips promotionnels expliquant le fonctionnement de ses logiciels.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

   

Des chevaux de Troie dans nos démocraties

Des chevaux de Troie dans nos démocraties

OWNI lève le voile sur les chevaux de Troie. Ces logiciels d'intrusion vendus aux États, en particulier en France et en ...

A l’occasion de l’opération SpyFiles, WikiLeaks et Privacy International avaient révélé que FinFisher faisait partie des cinq marchands d’armes de surveillance numérique spécialisés dans les chevaux de Troie. Derrière ce nom, des logiciels espions créés pour prendre le contrôle des ordinateurs qu’ils infectent afin d’activer micro et caméra, d’enregistrer toutes les touches tapées sur le clavier (et donc les mots de passe) ou encore les conversations sur Skype, par messagerie instantanée, par e-mail etc. avant de renvoyer, de façon furtive et chiffrée, les données interceptées via des serveurs situés dans plusieurs pays étranger.

Un autre chercheur en sécurité informatique a ainsi réussi à identifier des serveurs utilisés pour contrôler FinSpy, et donc espionner des ordinateurs, en Estonie, Éthiopie, Indonésie, Lettonie, Mongolie, au Qatar, en république tchèque et aux USA, mais également en Australie, ainsi qu’à Dubai, deux des pays placés “sous surveillance” dans le classement des Ennemis d’Internet émis par Reporters sans frontières.

Dans une seconde note, publiée fin août, CitizenLab révèle avoir identifié d’autres serveurs dans 2 des 12 pays considérés comme des “Ennemis d’Internet” par RSF : l’un au Bahreïn, l’autre contrôlé par le ministère des télécommunications du Turkménistan, considéré comme l’un des régimes les plus répressifs au monde.

Les deux chercheurs détaillent par ailleurs le fonctionnement de FinSpy Mobile, qui permet d’infecter les iPhone et autres téléphones portables Android, Symbian, Windows et Blackberry, afin de pouvoir espionner les SMS, emails et télécommunications, exfiltrer les contacts et autres données, géolocaliser le mobile, et même d’activer, à distance, le téléphone à la manière d’un micro espion, sans que l’utilisateur ne s’aperçoive de la manipulation.

A Bloomberg, qui l’interrogeait, Martin J. Muench, 31 ans, le concepteur de FinFisher, a nié avoir vendu son cheval de Troie à Bahreïn, tout en reconnaissant qu’il pourrait s’agir d’une version de démonstration de son logiciel espion qui aurait été volée à Gamma.

Au New York Times, où il démentait toute espèce d’implication, expliquant, tout comme l’avait fait Amesys, que ses produits ne servaient qu’à combattre les criminels, à commencer par les pédophiles :

Les utilisations les plus fréquentes visent les pédophiles, les terroristes, le crime organisé, le kidnapping et le trafic d’être humain.

Dans une déclaration publiée moins d’une heure après la publication de la deuxième note de Citizen Lab, Martin J. Muench envoyait un communiqué mentionné par le New York Times pour expliquer que l’un des serveurs de Gamma aurait été piraté, et que des versions de démonstrations de FinSpy auraient bien été dérobées. Dans la foulée, plusieurs des serveurs utilisés par FinFisher pour permettre aux données siphonnées de remonter jusqu’à leurs donneurs d’ordre ont disparu des réseaux.

Comme notre enquête sur Amesys, le marchand d’armes français qui avait créé un système de surveillance généralisé d’Internet à la demande de Kadhafi (voir Au pays de Candy) l’avait démontré, les logiciels espions et systèmes d’interception et de surveillance des télécommunications ne font pas partie des armes dont l’exportation est juridiquement encadrée (voir Le droit français tordu pour Kadhafi). Aucune loi n’interdit donc à un marchand d’armes occidental de faire commerce avec une dictature ou un pays dont on sait qu’il se servira de ces outils pour espionner opposants politiques et défenseurs des droits humains.

François Hollande recevant le roi Hamed ben Issa al-Khalifa de Bahreïn

François Hollande recevant le roi Hamed ben Issa al-Khalifa de Bahreïn

Interrogé lors d’un point presse ce 4 septembre, le porte-parole de l’ambassade de France à Bahreïn a expliqué avoir “appris avec déception les décisions de la Cour d’appel du Bahreïn qui confirment les lourdes peines infligées à ces opposants” :

Le cas de Monsieur Khawaja nous préoccupe tout spécialement. Nous espérons vivement qu’un réexamen de ces condamnations aura lieu lors d’un éventuel pourvoi en cassation.

Nous restons préoccupés par la persistance des tensions dans le royaume de Bahreïn et rappelons notre profond attachement aux principes de liberté d’expression et de droit à manifester pacifiquement.

Le 23 juillet dernier, François Hollande recevait très discrètement le roi du Bahreïn, Hamed ben Issa Al Khalifa, à Paris. Etrangement, cette visite officielle ne figurait pas sur l’agenda du président, et n’a été connue que parce qu’une journaliste de l’AFP a tweeté, interloquée, leur poignée de main sur le perron de l’Elysée. Officiellement, côté français, il a été question de la situation en Syrie, et de la menace nucléaire en Iran. Jean-Paul Burdy, maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble, relève cela dit que l’agence de presse de Bahreïn avance que de nombreux autres sujets ont été abordés, y compris la coopération entre les deux pays en matière de lutte contre “toutes les formes de terrorisme et d’extrémisme“, ainsi que de “l’importance de la promotion de la démocratie et des droits humains“.

Au lendemain de cette visite, la presse bahreïnie salue en “une” l’accord de coopération signé entre la France et le Bahreïn, et visant à mettre en place, souligne Le Monde, des réformes dans les secteurs de la presse et de la justice, ce qui fait bondir l’opposition :

La France prend le risque de devenir la complice des tours de passe-passe de la monarchie, s’indigne Abdel Nabi Al-Ekry, un vieil opposant de gauche. Comment peut-elle prétendre réformer la justice bahreïnie alors que 21 des dirigeants de l’opposition croupissent en prison, au terme de procès bidons ? C’est décevant de la part d’un socialiste comme Hollande.

Au pays de Candy

Au pays de Candy

Candy : c'est le nom de code de l'opération organisée depuis la France et consistant à aider le régime de Kadhafi à ...

L’agenda de l’Élysée, dépiauté par Rue89, révèle qu’”au moins six autres représentants de pays autoritaires ou franchement dictatoriaux ont été reçus par François Hollande depuis son élection“, alors même que François Hollande avait pourtant promis de “ne pas inviter de dictateurs à Paris“. Cinq d’entre eux sont soupçonnés d’avoir voulu acheter le système Eagle de surveillance généralisé de l’Internet conçu par la société française Amesys à la demande de Kadhafi, et dont le nom de code, en interne, était Candy, comme bonbon, en anglais.

À la manière d’un mauvais polar, les autres contrats négociés par Amesys portent en effet tous un nom de code inspiré de célèbres marques de friandises, bonbons, chocolats, crèmes glacées ou sodas : “Finger” pour le Qatar (sa capitale s’appelle… Doha), “Pop Corn” pour le Maroc, “Kinder” en Arabie Saoudite, “Oasis” à Dubai, “Crocodile” au Gabon, et “Miko” au Kazakhstan, dont le dictateur-président est le seul à ne pas avoir encore été reçu par François Hollande, quand bien même il utiliserait par contre le système FinSpy de FinFisher.

Depuis le classement sans suite de la plainte déposée à l’encontre d’Amesys, à la veille de la présidentielle, le nouveau gouvernement ne s’est jamais prononcé sur cette affaire, par plus que sur l’implication de Claude Guéant, Brice Hortefeux et des services secrets français, non plus que sur une éventuelle interdiction, à l’exportation, de la commercialisation des armes de surveillance numérique.

Petit manuel de contre-espionnage informatique

Petit manuel de contre-espionnage informatique

GPS, téléphones portables, logiciels espions: les outils de la surveillance se démocratisent. Conseils utiles pour s'en ...

Pour se prémunir de ce genre de chevaux de Troie, Citizen Lab rappelle tout d’abord que ces logiciels espions ne peuvent être installés que si le pirate a un accès physique à la machine (ordinateur ou téléphone portable), ou si la victime accepte d’ouvrir une pièce jointe ou une application que les espions prennent cela dit généralement soin de maquiller de sorte qu’elle émane d’une personne ou institution de confiance. Les chercheurs recommandent également de régulièrement mettre à jour systèmes d’exploitation et logiciels -à commencer par l’anti-virus, les suites Office, Acrobat, Java, Flash, en vérifiant que les mises à jour proviennent de sources légitimes et de confiance-, mais également d’installer des fonds d’écran protégés par mot de passe (pour éviter à un intrus de profiter d’une pause pipi pour pirater votre système), et enfin d’utiliser si possible des mots de passe forts, et des logiciels de chiffrement. Voir aussi, à ce titre, notre petit manuel de contre-espionnage informatique.

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L’agenda incomplet d’Ayrault http://owni.fr/2012/07/04/lagenda-incomplet-dayrault/ http://owni.fr/2012/07/04/lagenda-incomplet-dayrault/#comments Tue, 03 Jul 2012 22:13:37 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=115316 Owni a replacé ses engagements sur une frise chronologique interactive... et compté les absents. Quelques promesses de campagne de François Hollande n'y figurent pas vraiment. ]]> Sans souffle ni surprise, le discours de politique générale du Premier ministre Jean-Marc Ayrault a présenté ce mardi 3 juillet plus qu’une feuille de route : un véritable agenda pour la majorité. Mais un agenda semé d’imprécisions et d’oublis, révélateurs des incertitudes gouvernementales face aux “efforts” recommandés par la Cour des Comptes. Des efforts plus couramment appelés “rigueur”.

Afin de visualiser ces chantiers dans le temps, l’équipe des datajournalistes d’Owni a recomposé l’agenda du Premier ministre tel qu’il l’a présenté aux parlementaires. La frise chronologique a été réalisée à partir des engagements mentionnés dans ce discours de politique générale.

Sur toutes les réformes annoncées par Jean-Marc Ayrault, une moitié, seulement, trouvait une place précise dans l’agenda ministériel et parlementaire. L’autre moitié regroupait un certain nombre d’ambitions sans délais. Lesquelles ne comptaient pourtant pas parmi les chantiers les plus anecdotiques du projet présidentiel.

“Très rapidement”

La campagne du candidat socialiste avait été de l’avis général inaugurée par le discours du Bourget et par une adresse frontale et ambitieuse à ceux que François Hollande désignait comme les fauteurs de crise :

Mon adversaire, c’est le monde de la finance.

Passée à son Premier ministre, cette louable ambition reste dans un flou temporel. Ni la séparation entre les activités des banques “utiles à l’emploi” et les activités spéculatives, ni la stimulation de l’investissement industriel par la création d’un livret d’épargne dédié ne sont posées dans le calendrier.

Formulée dans ce même discours du Bourget, la promesse de relèvement du plafond du livret A, visant à stimuler le financement des logements sociaux, est renvoyée à plus tard, sans trop de précision, comme la mise à disposition gratuite de terrains aux collectivités pour construire des HLM :

Un plan de mobilisation du foncier sans précédent sera lancé, avec les terrains vacants de l’Etat qui seront mis gratuitement à la disposition des collectivités locales dans des programmes d’aménagement urbain respectueux de la mixité sociale et le plafond du Livret relevé pour répondre aux besoins de financement.

Annonce tonitruante, la multiplication par cinq des pénalités pour les villes ne respectant pas le quota de logements sociaux fixé par la loi SRU n’a pour l’instant pas d’horizon.

L’esprit de la rigueur plane également sur de nombreuses propositions financièrement lourdes mais au calendrier encore à définir : le programme massif d’économies d’énergie, le “plan ambitieux d’amélioration technique” des bâtiments neufs et anciens, l’augmentation du nombre de logements étudiants et la création d’une allocation de formation sous condition de ressource sont annoncés sans date. Mais le “contrat de génération”, pilier du programme de François Hollande, sera lui mis en place “très rapidement”.

D’autres mesures phares n’auront pas cette chance. Malgré la polémique qu’avait entretenu l’UMP à son sujet, la proposition d’accorder le droit de vote aux étrangers réguliers résidant en France depuis cinq ans aux élections municipales n’est pas placée dans l’agenda. Le Premier ministre ne précise même pas si elle sera étudiée pour les prochaines échéances de 2014. Quant à “l’immense chantier de la décentralisation”, il prendra du temps et de la concertation :

Je pense à la priorité donnée à la jeunesse. Je pense à une nouvelle étape de la décentralisation. Je pense à la transition écologique et énergétique. Il faut donc prendre le temps de réussir ces grandes réformes de structure pour que vienne ensuite celui de tirer les bénéfices de l’effort collectif.

Cette réforme trouvera sa place, dans la salle des pas perdus, au côté des 150 000 emplois d’avenir et le service civique qui attendent un créneau.

Oubliée

Si le ton du discours de Jean-Marc Ayrault, dans ses chiffres et dans son rythme, évoquait celui des discours de campagne du candidat élu, il s’éloignait en revanche sensiblement des 60 propositions qui structuraient le programme du socialiste.

Là encore, des manques cruels se font sentir. Objet de la proposition 27, les banlieues ne sont évoquées qu’incidemment et sans précision dans le discours de politique générale, de même que l’Outre Mer (proposition 29).

Durant la campagne, le chantier de la réforme fiscale avait été largement inspiré par les travaux de Thomas Piketty, économiste proche du Parti socialiste, lequel revendiquait notamment la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Mentionné en point 14 du programme du candidat, cette révolution fiscale n’est même pas retenue par le Premier ministre, qui se contente juste d’évoquer ses intentions sur le barème d’imposition et d’annoncer la mise à contribution des grandes fortunes :

La réforme fiscale se poursuivra à l’automne dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013. L’impôt sur le revenu sera rendu plus juste, plus progressif et plus compréhensif. Les niches fiscales seront donc plafonnées. Le taux d’imposition réel des contribuables aisés ne peut plus continuer d’être inférieur à celui de la majorité des Français. Pour les plus riches, une nouvelle tranche d’imposition à 45 % sera créée. Et pour les revenus annuels supérieurs à un million d’euros, une imposition à 75 % sera instaurée.

Oubliée avec elle la fiscalité différenciée entre grandes entreprises et PME, auxquelles Ayrault souhaite pourtant un si bel avenir. Tandis que la santé passe pour la grande oubliée de ce discours de politique générale. Ni l’accès aux soins, ni l’aide aux handicapés (exception faite de l’accessibilité des bâtiments), ni l’euthanasie n’ont été évoqués face aux députés.


La frise chronologique a été réalisée par Camille Gicquel, Nicolas Patte et Marie Coussin. Le fact-checking politique a été réalisé par Sylvain Lapoix.

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http://owni.fr/2012/07/04/lagenda-incomplet-dayrault/feed/ 6
Ayrault II who’s who interactif http://owni.fr/2012/06/22/le-whos-who-interactif-du-gouvernement-ayrault-remaniement/ http://owni.fr/2012/06/22/le-whos-who-interactif-du-gouvernement-ayrault-remaniement/#comments Fri, 22 Jun 2012 11:23:09 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=114248 Owni vous propose le trombinoscope interactif de ce gouvernement Ayrault II. Cliquez sur cette image et découvrez le C.V détaillé de chaque membre du nouvel exécutif. Avec leurs réseaux d'affinités, leurs études, leur ancrage local, leur génération. Sans perdre de vue les casseroles et les médailles de chacun.]]> Passez au crible la physionomie des nouveaux maîtres de l’exécutif. Quatre nouveaux ministres ont fait leur apparition dans le deuxième gouvernement Ayrault, annoncé jeudi soir. De quoi enrichir et mettre à jour notre trombinoscope interactif, lancé le 17 mai dernier. Les trajectoires politiques, les études, les casseroles et les titres de gloire et les bonnes actions. Comme dans la vraie vie..

Le fonctionnement de l’application reste le même : vous pouvez sélectionner les critères pour faire apparaître les générations (les moins de 40 ans, les plus de 60 ans) ; les écoles (ENA, Université de Toulouse, Science Po), les ancrages locaux (Paris, le Nord, l’Aquitaine…) ; la présence dans l’équipe de campagne d’Hollande, l’expérience gouvernementale… Puis également naviguer dans les fiches descriptives de chaque ministre.

Lors de ce remaniement, quatre ministres sont arrivés :

Thierry Repentin devient ministre délégué chargé de la Formation professionnelle et de l’Apprentissage

Anne-Marie Escoffier devient ministre déléguée chargée de la Décentralisation

Guillaume Garot devient ministre délégué chargé de l’agroalimentaire

Hélène Conway devient ministre délégué chargé des Français de l’étranger

Et quelques changements d’affectations ont été réalisées :

Delphine Batho passant à l’Ecologie et Nicole Briq au Commerce extérieur, Sylvia Pinel devient ministre de plein exercice, Stéphane Le Foll récupère l’attribution “Forêt” à son ministère de l’agriculture, tandis que Yasmina Benguigui perd celle des Français de l’étranger, ne conservant que la francophonie.


NDLR : le premier volet de l’application Hollande.gouv avait été publié le 17 mai 2012. Ce travail a été numérisé par les développeurs Christophe Khaldi, Abdellilah el Mansouri, Tom Wersinger et Lucas Heymès, il a été dessiné par le directeur artistique Loguy, aidé d’Ophelia Noor ; il a été conçu et piloté par Marie Coussin, Anne-Lise Bouyer, Nicolas Patte, Julien Goetz et Sylvain Lapoix, enrichi par Claire Berthelemy, Rodolphe Baron, Pierre Leibovici, Thomas Deszpot et Florian Cornu /-)

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http://owni.fr/2012/06/22/le-whos-who-interactif-du-gouvernement-ayrault-remaniement/feed/ 30
Les mauvaises données des marchés http://owni.fr/2012/06/12/les-mauvaises-donnees-des-marches/ http://owni.fr/2012/06/12/les-mauvaises-donnees-des-marches/#comments Tue, 12 Jun 2012 15:40:29 +0000 Marie Coussin http://owni.fr/?p=113029

Depuis peu, le site data.gouv.fr met en avant sur sa page d’accueil trois sets de données particulièrement attractifs : la liste des attributaires des marchés publics d’État pour les années 2008, 2009 et 2010.

Or ces données contiennent de nombreuses erreurs (montants invalides, cases vides, informations incomplètes, etc.), rendant tout le fichier inutilisable. Une petite boulette qui récuse même la notion de “donnée ouverte” pourtant au cœur même du mouvement Open Data dont se revendique data.gouv.fr.

Simon Chignard, vice-président de la Cantine de Rennes, spécialisé sur ce sujet, donne la définition d’une donnée ouverte dans son livre L’open data, comprendre l’ouverture des données publiques :

Pour qu’une donnée soit ouverte, elle doit répondre à trois grands critères :

  • techniques : les données brutes doivent être exploitables de manière automatique (i.e. par des programmes informatiques) et mise à disposition dans des formats les plus ouverts possibles et non propriétaires (par exemple : on privilégie le format .csv à .xls d’Excel),
  • juridiques : les licences doivent clarifier les droits et les obligations des détenteurs et des réutilisateurs de données, elles doivent être les plus ouvertes possibles (par exemple : obligation d’attribution ou de partage à l’identique),
  • économiques : peu ou pas de redevances tarifaires (susceptibles de constituer des freins à la réutilisation), tarification maximale au coût marginal, …
  • Les explications d’Etalab

    L’interlocuteur de référence sur ce sujet est Etalab, mission mise en oeuvre par le Premier Ministre François Fillon, en mai 2011 pour la création et de la gestion de data.gouv.fr. Bien que créée sous le gouvernement précédent, Etalab reste néanmoins en charge du portail, avec l’élection de François Hollande. La Charte de déontologie du gouvernement Ayrault, signée par les ministres, fait clairement mention de leur engagement envers l’Open Data :

    Plus généralement, le gouvernement a un devoir de transparence. Il respecte scrupuleusement les dispositions garantissant l’accès des citoyens aux documents administratifs. Il mène une action déterminée pour la mise à disposition gratuite et commode sur internet d’un grand nombre de données publiques.

    Owni a donc demandé à Etalab des explications sur les erreurs rencontrées. Romain Tales, responsable du recensement des données publiques, précise le parcours de publication sur data.gouv.fr :

    Conformément à la circulaire du 26 mai 2011 instituant Etalab, un coordinateur a été nommé par ministère pour définir et transmettre les données à publier. Ce coordinateur initie les différents contacts dans les services, les directions, les bureaux, reliés à son ministère. Il peut ensuite créer une “équipe” qui a accès au back office du site. Cette “équipe” est globalement autonome sur le back office. Une personne est responsable de charger le jeu de données à mettre en ligne.
    Ce jeu de données est ensuite soumis à validation : relecture, vérification du contenu, des méta-données, etc. Jusqu’à trois personnes peuvent valider ce jeu de données avant que le responsable de publication de data.gouv.fr ne le publie définitivement.

    La France entr’ouverte

    La France entr’ouverte

    L'État a lancé son site data.gouv.fr. La France, enthousiaste, ouvre donc ses données publiques comme les États-Unis. ...

    La personne pouvant répondre précisément sur les erreurs du jeu de données ne dépend donc pas directement d’Etalab mais du ministère concerné. Dans ce cas, il s’agit du ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’Etat, plus précisément le SAE – service des achats de l’Etat. Romain Tales nous assure les avoir contactés et être, plus de 72 heures après notre premier appel, sans retour de leur part.

    Owni n’est pas le seul à avoir relevé des incohérences dans ces jeux de données : des internautes l’avaient d’ores et déjà exprimé sur le forum mis à disposition par data.gouv.fr. Les commentaires relevaient notamment des données incomplètes et “des valeurs extrêmes étranges”.

    Le modérateur d’Etalab poste à chaque fois la réponse suivante (dernière en date : 5 mai 2012) :

    Bonjour,
    Le Ministère du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’Etat a pris connaissance de ce dysfonctionnement.
    Nous ne manquerons pas de vous tenir informé dès que le problème sera résolu.
    Merci pour votre contribution sur data.gouv.fr

    Sans éléments précis de réponse sur ce jeu de données, Romain Tales conclut néanmoins :

    Le processus que nous avons mis en place est fait pour éviter ce genre de situation. Le problème avec ce jeu de données sur les marchés publics est plutôt l’exception, passée au travers des mailles du filet. Mais l’ouverture et la publication des données est encore quelque chose de nouveau, et de complexe, avec lequel nous devons nous familiariser.

    Dommage que les mailles du filet aient laissé passer autant d’erreurs, sur un jeu de données aussi emblématique. Florilège des plus importantes.

    Des montants surréalistes

    Par exemple, le rectorat de Montpellier aurait publié un marché ayant pour objet “la localisation de données pour relier l’ensemble des sites du Rectorat de l’Académie de Montpellier”, attribué à France Telecom, pour un montant de plus de 30 milliards d’euros.

    Owni a retrouvé le réglement de consultation accompagnant la publication de ce marché : il stipule que le montant minimum de cette opération sera de 30 000 euros et le montant maximum de 120 000 euros. Voilà d’où viennent donc les 30 milliards d’euros : 30 000 + 120 000 ont été accolés dans le fichier publié par data.gouv.fr.

    D’autres montants semblent très suspects dans le fichier :

  • plus de 1,4 milliard d’euros a été attribué à l’entreprise AMD Multicom pour “l’impression des documents (brochures, affiches et dépliant) du plan académique de formation et des innovations de l’académie pour 2009″, toujours pour le rectorat de Montpellier ;
  • 300 millions d’euros auraient été attribués par la préfecture des Hauts-de-Seine et les sous-préfectures d’Antony et Boulogne-Billancourt, pour de la location et entretien de vêtements.
  • Le jeu de données 2010 comportant 16 231 lignes, il est impossible de vérifier l’ensemble des montants à la main. Les anomalies relevées sur quelques unes des lignes jettent donc le discrédit sur l’ensemble du fichier.

    52 % des marchés

    Sur ce même jeu de données, 7 519 lignes sont renseignées sans aucun montant relatif au marché public passé. A ces lignes sans montant, il faut ajouter les 1 010 lignes pour lesquelles la colonne “Montant” est effectivement remplie, mais de manière erronée : “611193.96partieforfaitaire-sansminimaxi” par exemple. Autrement dit, le montant du marché public est inconnu pour 52 % du fichier.

    Parfois, des cases vides se cumulent : c’est le cas de deux marchés passés par le Ministère de la Défense avec la société Amesys (que nous connaissons bien à Owni) mais dont on ne perçoit ni l’objet ni le montant.

    Sur des pans entiers du fichier, les colonnes ont été décalées : la colonne “Montant” a ainsi été renseignée avec les codes postaux. Pour un grand nombre de marchés publics, impossible donc de savoir qui a passé le marché. Dommage : on aurait adoré savoir quel ministère ou entité publique s’est réabonnée à la revue “La coiffure de Paris”.

    Si les erreurs relevées sur ce fichier ne peuvent servir de référence à la qualité des 352 431 jeux de données publiés sur data.gouv.fr ; leur accumulation, sur un fichier aussi emblématique de l’Open Data que les marchés publics et mis en avant sur la page d’accueil du site, mérite réflexion.


    Analyse réalisée avec Nicolas Patte.
    Photo Flickr CC Hans Gerwitz (by-sa)

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    http://owni.fr/2012/06/12/les-mauvaises-donnees-des-marches/feed/ 13
    Pour que vive le domaine public numérique http://owni.fr/2012/05/24/pour-que-vive-le-domaine-public-numerique/ http://owni.fr/2012/05/24/pour-que-vive-le-domaine-public-numerique/#comments Thu, 24 May 2012 15:46:39 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=111312

    Alors que le gouvernement annonce le lancement d’une grande concertation sur le numérique et les droits d’auteur avant l’été, il paraît urgent d’élargir la perspective et de prendre du recul, afin que le débat ne tourne pas exclusivement autour de la question de la réponse au piratage et du financement de la création, comme on peut craindre que ce soit le cas.

    Hadopi, en définitive, n’est que l’arbre qui masque la forêt d’une réforme plus générale de la propriété intellectuelle, qui devrait être pensée comme profonde et globale, si l’on veut que se produise un véritable changement.

    Copyheart, un amour de licence libre

    Copyheart, un amour de licence libre

    Le Copyheart créé par Nina Paley véhicule un message : copier est un acte d'amour. Derrière le côté peace & love, ...

    Dans cette optique, le réseau européen Communia a publié ces dernières semaines le rapport final de ses travaux, qui présente une série de propositions particulièrement stimulantes. Lancé en 2007, Communia était à l’origine un réseau thématique, co-financé par la Commission européenne dans le cadre du programme eContentplus, avec pour objectif de réfléchir à la thématique du domaine public numérique (Digital Public Domain) et de formuler des recommandations en direction des pouvoirs publics européens. Le réseau s’est rassemblé pendant plusieurs années périodiquement au cours d’ateliers et de conférences et présente l’intérêt de regrouper des acteurs très divers issus des quatre coins de l’Europe : institutions culturelles, universités, groupes de recherche, mais aussi titulaires de droits, entreprises, représentants de la société civile, promoteurs du logiciel libre et de la Culture libre, etc.

    Transformé en 2012 en une association dédiée à la promotion du domaine public, Communia a été à l’origine d’un texte fondamental, le Manifeste du Domaine public, qui est l’un des premiers à donner une définition positive du domaine public et à énoncer des principes fondamentaux pour en garantir la vitalité dans l’environnement numérique. Alors que le domaine public se définit en temps normal uniquement de manière négative, par l’arrivée à expiration du droit d’auteur à l’issue d’une durée variable déterminée par la loi, le Manifeste de Communia envisage que le domaine public dans l’environnement numérique puisse être élargi par des versements volontaires effectués par des auteurs de leur vivant ou par des exceptions au droit d’auteur conçues de manière étendue. Dans des chroniques précédentes (ici, ou ), j’avais essayé de montrer à partir d’exemples concrets combien cette conception pourrait être vivifiante pour le renouvellement de l’approche du droit d’auteur, tout en étant bénéfique aux artistes.

    Le rapport final de Communia prolonge ce Manifeste par une série de sept recommandations principales, qui dépassent largement la thématique du domaine public. Il est intéressant de les passer en revue, notamment pour voir quels liens elles peuvent avoir avec le contexte français et évaluer la marge de manœuvre du gouvernement actuel pour s’en inspirer.

    Recommandation #1 : Protection des droits des artistes-interprètes et des producteurs d’enregistrements sonores

    Les bonnes recettes du libre

    Les bonnes recettes du libre

    Les licences libres et plus généralement la culture du libre pour la littérature, la musique et le cinéma, c'est très ...

    L’extension prévue de la durée des droits voisins des interprètes et des producteurs causera un dommage au domaine public et ne doit pas être mise en oeuvre “.

    Il s’agit en fait ici d’une défaite pour le réseau Communia, qui avait milité pour contrer le projet d’extension de la durée des droits voisins, de 50 à 70 ans, voulue par les institutions européennes. Malgré les nombreux arguments mis en avant par Communia en défaveur de cette réforme, le Conseil des Ministres de l’Union européenne, sous la pression du lobby des industries culturelles, a fini par l’adopter en septembre 2011, ce qui ouvre à présent la voie à une transposition dans la loi des différents pays européens.

    L’actuel gouvernement sera confronté à l’obligation de modifier le Code de Propriété Intellectuelle français pour entériner cet allongement des droits sur la musique. Osera-t-il s’y opposer et remettre en cause une réforme votée en dépit du bon sens, plusieurs rapports d’experts ayant indiqué que cet allongement aurait de nombreux impacts négatifs, sans pour autant bénéficier aux artistes eux-mêmes. Le Manifeste du Domaine public se prononçait de son côté en faveur d’une réduction de la durée des droits, mais c’est au niveau européen ou mondial qu’il faudrait agir pour aller dans ce sens.

    Recommandation #2 : Protection face aux mesures techniques de protection

    Le domaine public doit être protégé des effets négatifs des mesures techniques de protection (DRM). Le contournement des DRM doit être autorisé pour permettre l’exercice effectif de droits de l’utilisateur, consacrés par des exceptions au droit d’auteur ou pour l’usage d’oeuvres du domaine public. Le déploiement de DRM pour empêcher ou gêner l’exercice d’usages autorisés d’une oeuvre protégée ou l’accès à des contenus appartenant au domaine public doit être sanctionné “.

    En France, la loi DADVSI en 2006 a consacré juridiquement la notion de DRM, mais elle empêche théoriquement que ces verrous numériques soient utilisés pour neutraliser l’exercice de certaines exceptions au droit d’auteur. Il faut cependant relever que la jurisprudence de la Cour de Cassation (dans la fameuse affaire Mullholand Drive) a  grandement fragilisé l’équilibre entre les DRM et les exceptions, en leur déniant la qualité de droits invocables en justice.

    Pour faire bouger les lignes en la matière, le gouvernement actuel pourrait créer un véritable “droit aux exceptions” comme l’envisage une consultation lancée par Hadopi à ce sujet. Il pourrait aussi transformer les exceptions en droits véritables, considérés avec une dignité égale au droit d’auteur, ce qui rééquilibrerait de manière globale le système de la propriété intellectuelle . On pourrait également imaginer d’interdire formellement que les DRM neutralisent l’usage d’une oeuvre appartenant au domaine public, comme le recommande Communia, ce qui ferait entrer positivement la notion pour la première fois dans le Code, où elle est actuellement absente.

    Mais peut-être, de façon encore plus urgente, l’Etat devrait-il arrêter de porter lui-même atteinte au domaine public, en restreignant l’usage du patrimoine numérisé et mis en ligne. Le portail Arago dédié à l’histoire de la photographie, ouvert récemment par le précédent ministère de la Culture, est symptomatique des dérives en la matière. Le site bloque toute forme d’usages, y compris quand les œuvres diffusées appartiennent au domaine public, ce qui en fait un véritable “DRM d’Etat” posé sur le patrimoine numérisé et une négation de la notion même de domaine public. Il est sidérant que de telles pratiques, dénuées de toute base légale, puissent avoir cours en toute impunité.

    Recommandation #3 : Éviter les protections sans nécessité des œuvres de l’esprit

    Afin d’éviter la protection sans nécessité et non voulues des œuvres de l’esprit, la protection complète par le droit d’auteur ne serait reconnue à ces dernières, que si leurs auteurs les ont fait enregistrer. Les œuvres non-enregistrées ne bénéficieraient que de la protection du droit moral “.

    C’est sans doute l’une des propositions les plus audacieuses du rapport, mais aussi celle qui pourrait s’avérer la plus utile. L’un des problèmes actuels du droit d’auteur est que son application aux créations est automatique, à la différence de ce qui existe pour les marques ou les brevets où la protection nécessite l’accomplissement de formalités d’enregistrement. La conséquence est que la branche patrimoniale du droit d’auteur s’applique et crée un monopole sur la reproduction et la représentation, y compris lorsque l’auteur n’a aucune intention d’exploiter commercialement son œuvre. Vu l’explosion de la production amateur sur Internet, cela signifie que des masses d’oeuvres sont protégées aussi fortement que le dernier best seller, sans justification économique et sans réelle volonté qu’il en soit ainsi de la part des auteurs.

    La proposition de Communia établirait une formalité à accomplir (inscription dans un registre) pour les auteurs souhaitant obtenir le bénéfice des droits patrimoniaux. Pour les autres, leurs créations entreraient par anticipation dans le domaine public), tout en continuant à bénéficier de la protection du droit moral, empêchant les plagiats ou la dénaturation des oeuvres.

    Déjà recommandée par ailleurs au niveau européen, cette mesure ne peut normalement pas être implémentée directement en France. Il faudrait en effet pour cela réviser la Convention de Berne, traité mondial qui régit la propriété intellectuelle et c’est à l’OMPI qu’il faudrait agir, mais rien n’interdit au gouvernement français de le faire !

    Recommandation #4 Ouvrir l’accès aux œuvres orphelines

    L’Europe a besoin d’un système pan-européen efficace qui garantisse aux utilisateurs un accès complet aux oeuvres orphelines. Des exceptions obligatoires et des systèmes de gestion collective étendue, combinés avec un fonds de garantie, doivent être envisagés. Les recherches diligentes imposées doivent être proportionnées à la capacité des utilisateurs de rechercher les titulaires de droits “.

    Les oeuvres orphelines constituent l’un des “bugs” les plus criants du droit d’auteur : elles naissent lorsque il est impossible d’identifier ou de contacter le titulaire des droits sur une oeuvre, ce qui “gèle” complètement l’utilisation, faute de pouvoir obtenir une autorisation. Le phénomène est loin d’être marginal et concernerait des milliers et des milliers d’oeuvres de toute nature.

    L’action de Communia a sans doute eu une influence positive en ce domaine, car une directive européenne est actuellement en cours de préparation sur les oeuvres orphelines, qui permettrait des usages élargis et gratuits, notamment en faveur des bibliothèques, archives et musées.

    Or en la matière, l’action de la France s’est avérée particulièrement négative ces dernières années. Débattue au sein du CSPLA (Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique), la question des oeuvres orphelines a fait l’objet d’un rapport en 2008 préconisant la mise en place de systèmes de gestion collective, qui non content de constituer sans doute de redoutables usines à gaz, aboutiraient en fait à une recommercialisation des oeuvres orphelines, sans retour pour les auteurs. Par ailleurs, face à l’inertie des pouvoirs publics, le lobby des photographes professionnels avait agi en franc-tireur par l’entremise du Sénat pour proposer en 2010 une loi bancale qui n’a jamais abouti.

    Mais pire que tout, dans le domaine du livre, une loi sur les ouvrages indisponibles du 20ème siècle, votée précipitamment au début de l’année, va bientôt avoir pour effet de recommercialiser en bloc les oeuvres orphelines, au plus grand bénéfice d’une société de gestion collective, dans des conditions que de nombreux auteurs dénoncent vigoureusement.

    La question des oeuvres orphelines se rappellera donc nécessairement aux souvenirs du gouvernement et il serait bien avisé en la matière de soutenir la directive européenne, inspirée des principes d’ouverture défendus par le réseau Communia.

    Recommandation #5 Développer les ressources éducatives en Open Access

    Le droit de copier des élèves

    Le droit de copier des élèves

    L'enseignement à l'heure du numérique, c'est pas gagné. Et les lacunes ne portent pas seulement sur le nombre (dérisoire) ...

    L’accès aux oeuvres protégées par le droit d’auteur à des fins d’enseignement et de recherche devrait être facilité en renforçant les exceptions existantes et en les élargissant pour les rendre applicables en dehors des établissements éducatifs proprement dit. Tout résultat de recherche ou ressource éducative, dont la production est financée par des fonds publics doit être placé en Open Access “.

    Là encore, le passif des années précédentes pour la France est très lourd. La loi DADVSI en 2006 a bien créé une exception pédagogique et de recherche, mais comme j’avais tâché de le montrer dans une chronique précédente, elle a été transformée en une effroyable machinerie contractuelle, quasiment inapplicable et coûteuse pour l’Etat, à propos de laquelle de plus en plus de voix appellent à une réforme urgente. Des alternatives pourraient pourtant être mises en oeuvre, en s’inspirant par exemple du Canada, qui est en train de mettre en place une exception pédagogique très large en ce moment.

    Concernant le développement des ressources éducatives libres, il existe des réalisations convaincantes en France, mais elles sont le fait de communautés d’enseignants, comme celle de Sesamath par exemple, et non le fruit d’une politique publique assumée. Idem en matière d’Open Access pour les résultats de la recherche scientifique, il n’existe en France aucune obligation imposée par la loi, quand bien même les travaux sont financés par des fonds publics. Pour arriver à un tel résultat, c’est encore la loi DADVSI qu’il faudrait réformer, qui a accordé aux enseignants-chercheurs un privilège leur permettant de conserver leurs droits sur les oeuvres créées dans le cadre de leurs fonctions.

    Beaucoup de chantiers attendent le gouvernement dans ce domaine. Pourtant si l’éducation et la recherche constituent bien des priorités affichées dans l’agenda politique, le lien avec la réforme de la propriété intellectuelle ne semble hélas pas avoir été fait…

    Recommandation #6 Élargir la directive PSI aux institutions patrimoniales

    La Directive PSI doit être élargie doit être élargie de façon à faire entrer dans son champ d’application les institutions patrimoniales comme les musées, ainsi que renforcée pour que les Informations du Secteur Public puisse être gratuitement accessibles pour toutes formes d’usages et de réutilisations, sans restriction “.

    Des données culturelles à diffuser

    Des données culturelles à diffuser

    La libération des données est loin d'être complètement acquise en France. Si le portail Etalab est une première étape, ...

    La directive PSI (Public Sector Information) constitue le texte fondamental en Europe qui gouverne la réutilisation des données publiques. Directement lié à la problématique de l’Open Data, ce texte qui a été transposé dans la loi française, comporte néanmoins une exception qui place à l’écart les données de la culture et de la recherche. J’avais d’ailleurs également essayé d’attirer l’attention sur cette lacune criante dans une chronique précédente.

    Ici encore, l’influence de la France s’est révélée néfaste, car c’est elle qui a milité pour qu’un sort particulier soit réservé à ces données et qui continue à le faire, alors qu’une réforme importante est engagée au niveau européen.

    Plus largement le rapport de Communia préconise de faire de l’Open Data un principe général pour toutes les données publiques, en ménageant seulement des exceptions pour protéger les données personnelles par exemple. Beaucoup de choses ont été accomplies en la matière en France au niveau central avec Data.gouv.fr ou au niveau des collectivités locales, mais faire de l’Open Data un principe dans la loi pourrait permettre d’atteindre un stade supérieur dans la libération des données.

    Recommandation #7 Systèmes alternatifs de récompense et modèles de financement de la Culture

    Afin de soutenir la culture émergente du partage des oeuvres protégées, des systèmes alternatifs de récompense et de financement de la Culture par le biais de taxes doivent être explorés “.

    Le rapport de Communia se prononce en faveur de la mise en place de modèles alternatifs de financement de la Culture, qu’il s’agisse de la Licence Globlale, de la contribution créative ou de réforme du système de la copie privée. L’idée est bien de coupler la mise en place de nouveaux modes de financement à la consécration de nouveaux droits d’usages pour les internautes.

    Or cette voie a explicitement été écartée par le candidat François Hollande, ce qui fait que le débat annoncé sur le financement de la Culture a déjà été largement tranché en amont de la concertation annoncée. Ce rétrécissement a priori du débat est déjà dénoncé par des acteurs comme Philippe Aigrain, co-fondateur de la Quadrature du Net ou par l’UFC-Que Choisir.

    ***

    On le voit, le débat relatif au numérique, aux droits d’auteur et à la création est beaucoup plus large que la simple question du devenir d’Hadopi. Un réseau comme Communia a eu l’avantage de pouvoir réfléchir pendant des années de manière ouverte aux différentes branches du sujet et ce rapport final représente une mine de propositions concrètes à exploiter. C’est une formidable boîte à outils citoyenne dans laquelle les futurs acteurs de la concertation devrait aller largement puiser !

    Nous verrons bien dans quelle mesure ces questions pourront être abordées ou non, à commencer par celle du domaine public numérique, dans le cadre de la concertation française qui s’ouvre.Mais d’ores et déjà, la réflexion est engagée au niveau mondial, car l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) a annoncé la semaine dernière le lancement de travaux concernant le domaine public, auxquels est pleinement associé Communia. Il est notamment question de favoriser le versement volontaire des oeuvres au domaine public et de le reconnaître comme un droit pour les auteurs. Réjouissons-nous, en nous souvenant qu’il n’est pas nécessaire d’attendre que le droit change pour agir dès maintenant !


    Illustrations CC by-nc-sa Shaluna

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    http://owni.fr/2012/05/24/pour-que-vive-le-domaine-public-numerique/feed/ 11
    Ministre de la recherche de profits http://owni.fr/2012/05/24/lautre-cv-de-genevieve-fioraso/ http://owni.fr/2012/05/24/lautre-cv-de-genevieve-fioraso/#comments Thu, 24 May 2012 14:00:35 +0000 Claire Berthelemy et Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=111073

    À un moment, ils m’appelaient Miss Dollar. C’est vrai. Ça ne sert à rien de chercher à faire le top du top si on ne le vend pas.

    Geneviève Fioraso, la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, expliquait ainsi au Journal des entreprises, comment elle cherchait à financer la R&D (Recherche et développement) du temps où elle était cadre dans une start-up. Une approche de la recherche qui inquiète Laurence Comparat, membre de l’Ades, une association écologiste grenobloise :

    Sa vision de la recherche est systématiquement industrielle, et donc économique. Si elle procède de la même manière à l’échelle nationale qu’à Grenoble, il y a des craintes à avoir.

    Officiellement, Geneviève Fioraso n’a eu ces dernières années qu’un”engagement public local et national”. Sa biographie, sur le site du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, indique qu’elle n’a plus eu de rapport avec le secteur privé depuis 2004, dernière année où est mentionnée une “activité professionnelle”.

    Geneviève Fioraso ne serait “que” députée, première vice-présidente de la communauté d’agglomération de Grenoble chargée du Développement économique, universitaire, scientifique et de l’innovation, adjointe au Maire de Grenoble à l’économie, l’emploi, l’université et la recherche et membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

    La nouvelle locataire de la rue Descartes a cela dit oublié des lignes. Car elle administre également – voire dirige – six structures à mi-chemin entre public et privé : deux sociétés d’économie mixte, deux associations aux frontières du lobbying, une éco-cité et un établissement public d’enseignement supérieur. Reconstitution.

    Championne du mixte

    La spécialité de la nouvelle ministre ? Les sociétés d’économie mixte (SEM), ces entreprises à conseil d’administration dont le capital est réparti entre des personnes publiques (majoritaires) et au moins un actionnaire privé. Le nom de Geneviève Fioraso figure ainsi dans les renseignements juridiques de trois SEM, bien qu’elle n’ait jugé bon de le préciser dans sa biographie que pour une seule d’entre elles, Minatec Entreprises.

    Depuis 2003, en effet, l’élue de Grenoble est aussi PDG de Minatec, un vaste “pôle d’innovation en micro-nanotechnologies”. “Entreprendre à l’infini”, telle est la devise de Minatec qui abrite plus de 11 000 mètres carrés de laboratoires de recherche, start-ups et géants de l’industrie.

    Cet envie d’entreprendre, Geneviève Fioraso a tenté de l’assouvir en multipliant les casquettes autour de Minatec. C’est donc comme PDG de Minatec que l’élue préside le comité de pilotage du projet Presqu’île/GIANT, l’un des treize projets d’éco-cités du pays et, comme le précise son site, parmi “les plus importants investissements public-privé en France” (1,3 milliard d’euros sur 15 ans).

    Par cohérence, sans doute, l’élue grenobloise est aussi administratrice d’une autre SEM, Innovia Grenoble Durablement, chargée de l’aménagement de Presqu’île/GIANT. Et, toujours pour son implication dans la “Presqu’île”, Geneviève Fioraso administre le regroupement d’écoles Grenoble Institut national polytechnique – membre fondateur de Minatec et de GIANT.

    Dernière SEM oubliée par la ministre sur son C.V., Alpexpo, une entreprise qui gère le parc d’exposition éponyme à Grenoble. Si Geneviève Fioraso n’apparaît pas comme administratrice dans les renseignements juridiques d’Alpexpo, c’est qu’elle a préféré utiliser son nom de jeune fille, Lefevre. Cette décision est peut-être à mettre en rapport avec la santé financière d’Alpexpo : comme l’indique une analyse des comptes provisoires qu’Owni s’est procurée (voir ci-dessous), la société a présenté un résultat net en déficit de 1,968 million d’euros en 2011. Devant ce résultat, la mairie de Grenoble a d’ailleurs décidé, en mars dernier, la mise en place d’une mission d’information et d’évaluation sur les déboires financiers d’Alpexpo.

    ALPEXPO Synthèse comptes provisoires 2011

    Non-lucratif

    Décidément rompue aux conseils d’administration, Geneviève Fioraso ne se prive pas – sans toujours l’indiquer sur “son CV” – de participer à plusieurs associations loi 1901. A but non lucratif, donc. Les missions affichées desdites associations ont pourtant tout à voir avec la recherche de profits.

    L’Agence d’études et de promotion de l’Isère (AEPI), par exemple, dont Geneviève Fioraso est la Vice-présidente du Conseil d’administration, s’attache à “faciliter” et “coordonner” les rapports entre “acteurs publics et acteurs privés”. Dans son rapport d’activité 2011, l’AEPI présente ainsi l’aide qu’elle a apportée à différents “acteurs économiques”. Le premier d’entre eux n’est autre que “Minatec Entreprises”, la SEM justement présidée par Geneviève Fioraso.

    Autre association pour autres intérêts, le pôle de compétitivité Tenerrdis. Aux côtés du CEA, de GDF-Suez, Alstom ou encore Schneider Electric, Geneviève Fioraso y est administratrice. Dans son portrait de l’élue grenobloise, l’équipe rédactionnelle de Tenerrdis a cette formule, qui résume plutôt bien la situation :

    Geneviève Fioraso est une actrice incontournable des sphères économiques et politiques de Grenoble et plus largement du département.

    Ce mélange des sphères, Geneviève Fioraso l’a par exemple formalisé dans les colonnes du Dauphiné libéré daté du 4 février 2011, en co-signant une tribune avec Jean-Marc Chardon, président de Tenerrdis et directeur des affaires institutionnelles du mastodonte Schneider Electric. Et de plaider de concert pour le renforcement des “investissements d’avenir du grand emprunt” lancés par la prédécesseure de la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse.

    Des amis dans l’industrie, Geneviève Fioraso en a d’ailleurs plus d’un. Il y a quelques mois, un article du journal Le Postillon – sorte de Canard enchaîné grenoblois -, repris par le site Article 11, recensait au moins cinq “patrons grenoblois” pour lesquels “on ne compte plus les photos côte à côte, les communiqués communs, les félicitations réciproques, les enthousiasmes partagés” avec l’élue locale. Bruno Cercley, par exemple, le PDG de Rossignol, dont elle a assisté à la cérémonie de remise de la légion d’honneur en avril 2011. Ou encore André-Jacques Auberton-Hervé, le PDG de SOITEC, mentionné sur le blog de campagne de la députée d’alors comme le chef d’orchestre “d’un bel exemple de partenariat fructueux entre laboratoire public et entreprises”.

    Pour André-Jacques Auberton-Hervé, la nouvelle ministre a d’ailleurs su faire preuve d’une grande générosité. Financière, notamment. Car l’homme est également le vice-président de SEMI, une “association industrielle internationale sans but lucratif” qui, comme le mentionne un communiqué de presse, “soutient la croissance de l’industrie par le biais de normes internationales, de salons et du lobbying”. C’est ainsi sous l’impulsion de Geneviève Fioraso que la ville de Grenoble et la communauté d’agglomération Grenoble Alpes Métropole ont adhéré, pour la somme de 2 990 euros chacune, à SEMI. Et, toujours sur proposition de Geneviève Fioraso, la mairie a versé 35 000 euros à SEMI en 2010 et 2011, à peine moins que la communauté d’agglomération pour ces deux années (37 990 euros), comme le confirment les délibérations du conseil municipal ci-dessous :

    Délibérations du conseil municipal sur SEMI

    Chaque année, le lobby SEMI organise un forum à Bruxelles. Il y a un an jour pour jour, le 24 mai 2011, Geneviève Fioraso y donnait une conférence. Comme un écho aux propos qu’elle tenait, fin 2008, à l’occasion d’une audition publique sur la “valorisation de la recherche” :

    Les règles de la concurrence imposées par l’Europe sont souvent contre-productives pour la mise en route de grands projets de recherche rassemblant les acteurs publics et les entreprises.

    Comme tous les ministres du gouvernement Ayrault, Geneviève Fioraso a apposé sa signature au bas d’une charte de déontologie. A la rubrique “Impartialité”, on trouve ces mots :

    Les membres du gouvernement sont au service de l’intérêt général. Ils doivent, non seulement faire preuve d’une parfaite impartialité, mais encore prévenir tout soupçon d’intérêt privé. (…) Ils renoncent à toute participation à un organisme, même à but non lucratif, dont l’activité intéresse leur ministère.

    Sollicitée par Owni, Geneviève Fioraso n’a pas donné suite à nos demandes.


    Illustrations CC Matthieu Riegler remixed by pierreleibo et Pact like

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    http://owni.fr/2012/05/24/lautre-cv-de-genevieve-fioraso/feed/ 29
    Le who’s who interactif du gouvernement http://owni.fr/2012/05/17/le-whos-who-interactif-du-gouvernement/ http://owni.fr/2012/05/17/le-whos-who-interactif-du-gouvernement/#comments Wed, 16 May 2012 23:35:41 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=110499 Owni met en ligne le trombinoscope interactif du nouveau pouvoir. Cliquez sur cette image et découvrez le C.V détaillé de chaque membre de ce premier gouvernement Hollande. Faites apparaître leurs réseaux d'affinité, selon leurs études, leur ancrage local, leur génération et leur rôle dans la campagne présidentielle. Sans perdre de vue les casseroles et les médailles de chacun. Tout un gouvernement déchiffré. ]]> Toutes les vies du nouveau gouvernement, toutes ses identités, réunies en une seule application interactive, ci-dessus. Image cliquable, riche des passés de chacun, de leurs études, de leurs savoirs, de leur habilité politique, de leurs mandats, de leurs alliances, de ces projets qu’ils servent ou qu’ils trahissent. De leurs bons et mauvais côtés. Un who’s who sans chiqué du premier gouvernement Ayrault.

    Les titres de gloire et les mauvaises actions agrégés, comme dans la vraie vie, répertoriés derrières les pictogrammes “casseroles” et “médailles”. Un trombinoscope interactif qui met en évidence les trajectoires du Premier ministre et des 34 nouveaux ministres, ministres délégués et secrétaires d’État ; pour déceler les biais de leurs futures réussites ou les raisons de leurs prochains revers.

    Sélectionnez les critères : la génération (les moins de 40 ans, les plus de 60 ans) ; les écoles (ENA, Université de Toulouse, Science Po), les ancrages locaux (Paris, le Nord, l’Aquitaine) ; la présence dans l’équipe de campagne d’Hollande, l’expérience gouvernementale… De quoi passer au crible la physionomie des nouveaux maîtres de l’exécutif.

    En quelques jours, ce travail a été numérisé par les développeurs Christophe Khaldi, Abdellilah el Mansouri, Tom Wersinger et Lucas Heymès, il a été dessiné par le directeur artistique Loguy, aidé d’Ophelia Noor ; il a été conçu et piloté par Marie Coussin, Anne-Lise Bouyer, Nicolas Patte, Julien Goetz et Sylvain Lapoix, enrichi par Claire Berthelemy, Rodolphe Baron, Pierre Leibovici, Thomas Deszpot et Florian Cornu /-)

    N’hésitez pas à compléter votre lecture en visitant les autres trombinoscopes réalisés par nos confrères, en particulier celui de Rue89, celui de France Info, ou celui du Monde, ou encore celui du Télégramme.

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    Le numérique socialiste se cherche http://owni.fr/2012/05/15/le-numerique-socialiste-se-cherche/ http://owni.fr/2012/05/15/le-numerique-socialiste-se-cherche/#comments Tue, 15 May 2012 10:33:56 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=110209

    Le changement c’est maintenant ! Juré, c’est la dernière fois qu’on se moque un peu du slogan de campagne du nouveau Président. Mais à propos d’Internet, c’est trop tentant : les thématiques numériques ont déserté débats, échanges et empoignades du dernier marathon électoral. Certes un sursaut a eu lieu dans les toutes dernières semaines, l’occasion pour nous de dresser un comparatif des e-programmes des différentes personnalités du PS, mais l’essor s’est arrêté là.

    [visu] En 2012, Internet n’existe pas

    [visu] En 2012, Internet n’existe pas

    Visualiser en un coup d’œil les propositions des candidats sur le numérique. C'est ce que OWNI vous propose en ...

    Pour le président entrant, le défi s’impose d’une meilleure intégration des questions numériques dans l’agenda du gouvernement. Mais avant de plonger les mains dans le cambouis, reste à savoir à qui on va confier les clés à molette du Net. Et là, ça se corse.

    Incarnation

    La question qui agite les observateurs du réseau porte sur celles et ceux qui incarneront le quinquennat numérique qui vient. Pendant la campagne, l’activité de Fleur Pellerin a marqué les esprits des caciques du secteur numérique. De conférences en tours de table, la conseillère référendaire à la Cour des Comptes a réussi en quelques mois à s’approprier un sujet, et un secteur. Secteur qui déjà la voit en Éric Besson au féminin, chargée de l’économie du numérique sous l’autorité d’un ministère de plein droit.

    La principale intéressée, comme l’ensemble de l’équipe de campagne, est entrée depuis quelques jours dans un mutisme presque total. Mais n’avait pu s’empêcher au lendemain de la victoire de déclarer :

    Je pense que naturellement, toutes les personnes qui ont fait partie de l’équipe de campagne sont des postulants naturels, [...] soit de l’équipe gouvernementale soit des conseillers proches. [...] Je ne ferme aucune porte.

    L’Internet socialiste

    L’Internet socialiste

    Nommée récemment responsable du pôle numérique de François Hollande, Fleur Pellerin connaît une arrivée agitée dans ...

    Quelque soit son poste (ministre, ministre déléguée, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, conseillère technique à l’Élysée), il est fort probable que l’on recroisera Fleur Pellerin au cours du quinquennat qui s’ouvre. Sans doute pour s’occuper de ce fameux “écosystème numérique”, qui va des start-ups à la régulation de l’économie du secteur.

    Côté culture, c’est le flou. A l’instar des valse-hésitations du nouveau président autour d’Hadopi, les hypothèses se sont multipliées à la vitesse d’un téléchargement de film en P2P. L’ancien président d’Arte Jérôme Clément a un temps été pressenti pour occuper le maroquin culturel. Actif conseiller de l’ombre de l’équipe de campagne, il est allé jusqu’à rédiger en grande partie la tribune du candidat Hollande sur ces questions.

    A l’heure actuelle, deux scénarios animent les dîners en ville et les réseaux : soit Aurélie Filippetti obtient un ministère de la culture atrophié (la communication disparaîtrait et la rue de Valois serait le ministère du spectacle vivant et du patrimoine), soit Martine Aubry hérite d’un grand ministère inédit regroupant culture, numérique et éducation ou jeunesse.

    Des rumeurs qui traduisent la difficulté constante des gouvernements à se saisir des problématiques ayant trait au réseau.

    Gouvernance

    Au-delà des questions de personnes, la façon dont le numérique sera traité au niveau institutionnel doit également préoccuper le nouveau président de la République et ses équipes. L’enjeu est de taille : intégrer à un gouvernement une technologie transversale et des usages qui touchent autant les pratiques culturelles que la santé, la liberté d’expression ou la protection des consommateurs, tout en constituant un secteur économique en pleine expansion. Une gageure, donc.Qui a fait l’objet de multiples ajustements institutionnels au fil des années.

    Hollande entreprend la culture

    Hollande entreprend la culture

    Le flou de l'après Hadopi, c'est du passé. Dans une tribune qui paraît dans Le Monde, le candidat socialiste ...

    Un article d’Electron Libre en fait la liste : neuf ans de coordination interministérielle, puis cinq ans de pilotage gouvernemental identifié (un secrétariat d’État auprès du Premier ministre d’abord puis un ministère auprès du ministre de l’économie et des finances). Avant de défendre une idée poussée notamment par Fleur Pellerin : la création d’un “e-Premier ministre”, conseiller spécial du président en matière numérique.

    Cette option dénoterait une importante volonté politique de mettre le numérique au cœur du projet du nouveau président, en évitant les querelles de clochers entre administrations. Pourtant, pas sûr qu’en dehors des spécialistes du secteur l’enjeu soit perçu comme essentiel.

    D’autant qu’avant de s’attacher à intégrer le numérique dans un dispositif gouvernemental, il s’agira sans doute de rationaliser l’action des autorités publiques ayant en charge des bouts de réseau. Cnil, Arcep, Hadopi, Arjel, CSA : la liste est longue et le serpent de mer de la fusion de certaines de ces autorités refait plus que jamais surface.

    Une seule certitude : autorités, conseillers ou membres du gouvernement essaieront, une fois en place, de défendre leur pré carré.


    Illustration par Share (CC-sa) remixée par Ophelia Noor pour Owni /-)

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