OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les petits bidouilleurs en open source http://owni.fr/2012/09/28/petits-bidouilleurs-enfants-open-source/ http://owni.fr/2012/09/28/petits-bidouilleurs-enfants-open-source/#comments Fri, 28 Sep 2012 14:41:39 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=120874 Open Hardware Summit à New York sur les vertus éducatives de l'open source hardware. Des vertus éducatives dont l'école traditionnelle n'a pas encore pris toute la mesure.]]>

Atelier soudure au Chaos Communication Camp de Berlin, août 2011, (cc) Ophelia Noor

Joey et Sylvia sont des petits monstres. Des petits monstres de générosité, qui portent haut, du bout de leurs bras de 14 et 11 ans les valeurs de l’open source hardware. Pour eux, partager la recette de leurs créations avec d’autres enfants est naturel car cela ne présente que des avantages. Un credo qu’ils ont développé ce jeudi lors de leur conférence à l’Open Hardware Summit à New York, un grand meeting annuel réunissant les figures de proue de ce mouvement.

Vidéos pédagogiques

Le duo n’a pas fait dans les grands discours incantatoire mais s’est exprimé en connaissance de cause. Sur son site, baptisé “Look what’s Joey is making” (“regarder ce que Joey fait”), l’adolescent affiche son slogan :

Ne vous ennuyez pas, faites quelque chose !

On trouve sur sa page le mode de construction de son bouclier Arduino en forme de cube fait avec des LED et ses vidéos pédagogiques pour apprendre à se servir d’un oscilloscope ou bien encore le fonctionnement des LED.

En dépit de son jeune âge, Joey a déjà son (tout petit) business, incarnant en cela la figure américaine du maker, le self-made-man américain qui a fait construit son pays grâce à sa créativité et sa volonté Pour 15 dollars, il est possible d’acquérir son cube Arduino. Après, on ne soupçonnera pas le gamin de se payer des packs de 8°6 avec. Sa marotte, c’est plutôt d’assister à des Maker Faire, ces grandes foires à la bidouille organisée par le magazine américain Make et qui ont essaimé partout dans le monde. Magazine auquel il contribue.

Ses réalisations sont même parvenues aux oreilles de Barack Obama : le président américain a eu droit à une démonstration de son Extreme Marshmallow Cannon dans le cadre de la fête de la science organisé à la Maison Blanche, au cours duquel il a annoncé des fonds pour financer la formation des professeurs de sciences. Si le président est tenté de le faire, le guide est sur Make.

Sans attendre une impulsion d’en haut, Joey a commencé un club de science dans son école pour partager son savoir-faire avec les autres enfants.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“Super-Awesome” Sylvia n’est pas en reste : pour la troisième année, elle fait une émission sur YouTube avec son père “TechNinja”, Sylvia’s Super-Awesome Maker Show. Pas d’atelier Barbie ou Hello Kitty DIY mais des tutoriels pour utiliser Arduino, le très populaire micro-contrôleur open source, construire des fusées ou faire de la couture. Le tout avec le label Make Magazine. Comme Joey, Maker Faire est son Disneyland, au point de crowdfunder, avec succès son voyage à l’édition new-yorkaise ce mois-ci.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mitch Altman, apôtre de longue date de l’open hardware, transmetteur inlassable de son savoir-faire à des enfants (et leurs parents) dans des ateliers, détaille les atouts de ce process :

Quand l’open hardware est disponible, les gens vont apprendre grâce à lui. En particulier quand la documentation est écrite avec des visées pédagogiques en tête, comme par exemple toute celle de mes projets et de ceux d’Adafruit (une plate-forme communautaire de vente et de partage dédiée à l’électronique, ndlr).

J’ai souvent dirigé les gens vers ma documentation quand ils demandent comment apprendre sur les différents aspects des micro-contrôleurs. Et ils m’ont souvent répondu qu’ils appréciaient vraiment ma documentation bien écrite car elle les aide beaucoup à apprendre.

Beaucoup de projets open source ont des communautés d’utilisateurs (et même leur propre forum) avec des niveaux de compétence variés et qui s’entraident en ligne ou en personne. Cela est beaucoup plus difficile à réaliser quand des avocats de projets propriétaires veulent empêcher les gens d’apprendre à utiliser leur “propriété intellectuelle”(plutôt que de la partager).

Initiatives individuelles peu soutenues

Pourtant, l’école ne semble pas avoir pris la mesure du mouvement. Derrière leur côté “petits cracs du DIY coachés par leurs parents” qui peut agacer, Joey, Sylvia et d’autres, mettent en œuvre une vision de l’apprentissage que n’épouse pas forcément le système éducatif occidental, reflet d’une société façonnée par les logiques propriétaires. Lorsqu’on lui demande si son école encourage l’open hardware, Joey répond par la négative. L’adolescent qui affirme “ne pas être un grand fan de l’école” démontre pourtant que c’est une voie très fructueuse.

James Carlson, créateur de School factory, une association américaine qui développe des espaces éducatifs communautaires du type makerspace, renchérit :

Les écoles sont de plus en intéressées par l’open hardware mais elles sont en retard. De façon individuelle, des professeurs mettent en place des ateliers dans le domaine des STEM (Science, Technologie, Engineering et Math, ndlr) et apprennent aux enfants à créer en recourant à l’open hardware mais ils ne sont souvent pas soutenus. C’est nouveau et donc mal compris.

Une telle démarche surprend, à commencer par la maman même de Joey :

Il ne voulait faire que de l’open source. Il aime que, quoi que les gens fassent, tu puisses apprendre de leurs créations, et  compléter, c’est vraiment la meilleure façon d’apprendre. Je n’ai pas compris au début mais maintenant oui… c’est la seule façon d’avancer !

Le privé en renfort

Faute que l’école s’empare de l’opportunité, James souligne que des communautés et des associations se sont mises sur le créneau, comme les makerspaces/hackerspaces. La dernière génération est un terreau propice, qu’il faut cultiver :

Elle est davantage encline à partager ses idées. Je pense qu’elle réalise que nous profitons tous de plus d’ouverture et de collaboration.

En même temps, nous avons la responsabilité d’enseigner aux jeunes générations ce que la transparence et l’ouverture peut leur apporter, ainsi qu’à la société.

Parmi les initiatives dans ce sens, l’incontournable Make se montre très actif. Cet été, il a organisé un Maker camp, “un camp DIY virtuel” à l’attention des enfants qui ne partent pas en vacances. Le concept ? Chaque matin, une figure de l’open source hardware explique comment fabriquer un projet, donne ses petites astuces Le soir, ce “conseiller” revient avec les participants sur la réalisation du projet et peuvent montrer leurs photos. Parmi les intervenants, Joey, Limor “Ladyada” Fried, la fondatrice d’Adafruit, le CERN et Dale Dougherty en personne. Le tout avec le soutien de Google.


Photographie Ophelia Noor (Atelier soudure au Chaos Communication Camp de Berlin, août 2011.)

]]>
http://owni.fr/2012/09/28/petits-bidouilleurs-enfants-open-source/feed/ 5
L’impression 3D vend son âme http://owni.fr/2012/09/25/limpression-3d-vend-son-ame/ http://owni.fr/2012/09/25/limpression-3d-vend-son-ame/#comments Tue, 25 Sep 2012 10:06:36 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=120703 business model basé sur l'open source. Mais la polémique enfle depuis le lancement ce mois-ci de leur nouveau modèle, qui est fermé. Certains l'accusent d'avoir renoncé à leur éthique sous la pression des investisseurs qui ont apporté 10 millions de dollars l'année dernière. ]]>

Deux imprimantes 3B Replicator Makerbot

Ce jeudi, Bre Pettis, co-fondateur de MakerBot Industries, fabricant à succès d’imprimantes 3D grand public MakerBot, doit donner un talk à l’Open Hardware Summit sur “les challenges des biens de consommation open source”. Ce qui fait bien ricaner une partie de la communauté de l’open hardware, et en particulier ceux qui contribuent au développement desdites imprimantes.

Car depuis le lancement ce mois-ci de la quatrième génération d’imprimante de l’entreprise américaine, la Replicator 2, la polémique enfle dans le petit milieu : ce nouveau modèle n’est pas open source. MakerBot a vendu son âme au monde des systèmes propriétaires sous la pression des investisseurs, accuse-t-on dans le milieu. Fini a priori l’éthique hacker qui guidait ses décisions. Une triste évolution qui se lirait dans la chronologie des faits marquants de leur jeune histoire.

MakerBot Industries a été créée en 2009 de la volonté de développer les imprimantes 3D open source domestiques, en se basant sur la RepRap, la pionnière du genre. Ses trois co-fondateurs, Bre Pettis, Zachary Smith et Adam Mayer sont issus du milieu hacker. Les deux premiers ont d’ailleurs fondé le hackerspace new-yorkais NYC Resistor.

Plus qu’un outil, RepRap symbolise une vision politique de l’open source hardware (OSHW), dont témoigne le discours d’un de ses développeurs, Adrian Bowyer : cet ingénieur rêve d’un monde où les entreprises traditionnelles seraient court-circuitées. La fabrication des produits manufacturés serait assurée par les citoyens eux-mêmes, grâce à des imprimantes 3D utilisant des plans open source partagés en ligne.

Le fondateur d’Amazon dans le tour de table

Dans les premiers temps de son existence, MakerBot réussit à fédérer une jolie communauté soudée autour des valeurs de partage et d’ouverture chères à l’éthique hacker. L’entreprise a aussi lancé le site Thingiverse, où les bidouilleurs du monde entier peuvent faire profiter des plans des objets qu’ils bidouillent avec les machines.

L’entreprise est un succès, elle compte maintenant 150 salariés, et finit par attirer l’attention des investisseurs. L’année dernière, elle lève 10 millions de dollars, alors qu’elle a commencé avec 75.000 dollars en poche. Dans son tour de table, Jeff Bezos, un des fondateurs d’Amazon. Et début de la descente aux “enfers propriétaires”.

Parmi les signes avant-coureur, le changement des conditions d’utilisation en février dernier est pointé, plus particulièrement la clause 3.2, qui oblige les contributeurs à renoncer à leur droit moral et notamment à leur droit à la paternité. Du coup, MakerBot peut utiliser le travail de la communauté dans ses produits, qu’ils soient ouverts ou fermés.

Josef Prusa, un des développeurs importants de RepRap qui monte aussi sa boîte, entame dans la foulée un mouvement Occupy Thingiverse et publie un billet à l’ironie amère :

L’impression 3D est maintenant pleine de merde. [...]

Hey regarde, nous avons pris toutes vos améliorations que vous avez partagées sur Thingiverse, nous les avons compilées dans un package et nous les avons fermées pour vous :-D .

Les imprimantes MakerBot 3D : la Replicator à gauche et la Thing-o-matic à droite

Parmi les autres indices, il y avait eu aussi au printemps dernier le départ de Zachary Smith. Il s’est aussi exprimé sur la polémique avec la même franchise :

J’essaye de contacter les gens pour prendre la mesure des choses mais jusqu’à présent, personne ne parle, et mes anciens partenaires ne répondent pas à mes appels et mes mails. Cela ne va pas, certainement. La meilleure information que j’ai trouvée est une tonne de double langage d’entreprise bullshit [La réponse de Bre Pettis, ndlr] qui caractérisait mes interactions récentes avec MakerBot.

Louvoiement

Face aux critiques, Bre Pettis se défend dans un billet au titre risqué, tant les reproches semblent fondés : “Réparer la désinformation avec de l’information”

Question 1 : est-ce que la MakerBot Replicator 2 est Open Source ?

Nous y travaillons et nous serons aussi ouvert que nous pourrons l’être alors que nous construisons un business durable.

Ou plutôt louvoie, comme taclent certains commentateurs :

Uh, FYI, tu as posé cette question :

Question 1 : est-ce que la MakerBot Replicator 2 est Open Source ?

Mais tu n’y as pas répondu. Tu tournes juste autour du pot et tu saupoudres d’une poignée de joyeux mots sur l’open source.

Steve Jobs du hardware

L’histoire dépasse la simple anecdote pour renvoyer à une histoire plus ancienne, celle du logiciel. Libre par défaut à ses débuts, sans que ce soit codifié, il est devenu propriétaire à la fin des années 70-début des années 80, quand il a commencé à générer une économie viable avec la montée en puissance de l’ordinateur personnel. Bre Pettis serait somme toute le nouveau Steve Jobs, plus entrepreneur que hacker.

Et comme le souligne Zachary Smith, ce tournant de MakerBot est un coup porté à ceux qui croient que l’OSHW constitue un écosystème viable :

Non seulement ce serait la perte d’un fabricant OSHW important, mais ce serait aussi la perte d’une figure emblématique pour le mouvement. De nombreuses personnes ont montré MakerBot et ont dit : “Oui, l’OSHW constitue un business model viable, regardez combien MakerBot a de succès.”

S’ils ferment leurs portes, alors cela donnerait aux gens qui diraient que l’open source hardware n’est pas viable des munitions pour leur argumentation.

Cela découragerait de nouvelles entreprises OSHW de se monter. C’est vraiment triste.

Si l’histoire se répète, la logique voudrait qu’après un coup de barre propriétaire, l’open hardware prenne sa revanche dans quelques années : l’OSHW a ses Steve Jobs, elle aura bien ses Stallman.


Imprimantes 3D via les galeries photo de wwward0, makerbot et cogdogblog sous licences Creative Commons

]]>
http://owni.fr/2012/09/25/limpression-3d-vend-son-ame/feed/ 13
Hacker qui bat http://owni.fr/2012/02/06/mitch-altman-hacker-qui-bat/ http://owni.fr/2012/02/06/mitch-altman-hacker-qui-bat/#comments Mon, 06 Feb 2012 10:07:01 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=96851 hackerspaces, Mitch Altman incarne comme personne la Freeculture. ]]>

Mitch Altman au Chaos Communication Camp, Berlin, Août 2011

Quand il était petit, Mitch Altman ne s’aimait pas. Trop geek introverti, trop moche, trop queer. Aujourd’hui, la première chose qui frappe, c’est la sérénité qui se dégage de l’homme. Mitch est désormais une figure respectée du milieu hacker, ces bidouilleurs qui font un usage créatif des technologies. En accord avec lui-même, sûr de sa voie, qu’il trace en voyageant, en partageant infatigablement. Il était cette semaine à Rennes à Jardin numérique, où son improbable coiffure, mélange de Léo Ferré et de Nina Hagen, n’a pas effrayé les enfants qui ont participé à ses ateliers de soudure.

Dépression au-dessus du berceau

Avant d’afficher son beau visage confiant, Mitch Altman est passé par une longue période difficile. Chez les hackers, le partage est une notion centrale, alors aujourd’hui encore, Mitch parle de cette douloureuse expérience. Pas par narcissisme morbide . Suite au suicide de son ami Ilya Zhitomirskiy, un des fondateurs du réseau social libre Diaspora, il a lancé un appel. White hat, grey hat, black hat et blue hackers :

J’ai vécu la première partie de ma vie dans une profonde et totale dépression. Pas de joie, juste de la honte, de la haine de moi-même, de l’angoisse, de l’anxiété et de la peur des autres gens – une dépression profonde. Je sais ce que c’est qu’être dépressif. Je sais ce que c’est que de vivre en sachant et en croyant que le mieux que la vie puisse m’offrir, c’est la capacité de subir la douleur jusqu’à ce que je meure.  C’était la meilleure possibilité. Comme Ilya, je l’ai caché au monde du mieux que j’ai pu. Et la plupart des gens n’avaient aucune idée que j’étais dépressif.

“Beaucoup le connaissent comme le gourou de la soudure, mais il est aussi chaleureux et de façon tardive un porte-parole pour les gens qui se battent avec leur mal de vivre. La scène hacker est assez macho”, résume Koen Martens, hacker néerlandais qui a partagé avec Mitch une homosexualité difficile à vivre au début.

La solution à son mal de vivre, Mitch a mis des années à la trouver : vivre une vie qu’il aimait et donc vivre de ce qu’il aime, conformément à l’éthique hacker décrite par Pekka Himanen. Et celle passé par des choix, quitte à se tromper, encore un précepte fort chez les hackers : apprendre de ses erreurs. Son premier grand choix sera… d’éteindre la télévision à dix-neuf ans.

Je me suis rendue compte qu’en fait je ne l’aimais pas ! Et pourtant je la regardais des heures et des heures chaque jour. Alors je l’ai quitté. Subitement la vie est devenue différente. J’ai passé beaucoup d’heures plus déprimé. Mais aussi à la contempler. Ce fut vraiment difficile à gérer à l’époque, tous ces sentiments qui surgissaient, mais c’est ce qui se passe quand on renonce à une addiction.

La télé pourrit la vie, et il aimerait aider ses concitoyens à s’en débarrasser. Ce sera la TV-B-Gone, télécommande universelle avec un seul bouton, pour éteindre la machine infernale, créé en 2004. Des journalistes de Gizmodo l’utiliseront sans limite lors du Consumer electronic show (CES), ode annuelle à l’électronique où les écrans sont légion. La plaisanterie leur vaudra d’en être bannis. Aujourd’hui, cet outil à hacker les médias permet encore à Mitch de vivre. Et ne croyez pas qu’il a remplacé cette addiction pour une autre, l’Internet : il préfère s’en tenir éloigné dans la mesure du possible et se concentrer sur ce qui a fait sa réputation, le hack du hardware, c’est-à-dire des objets physiques.

“Je n’ai pas peur de me regarder en entier”

En pleine thèse d’électronique , nouveau sursaut, l’école l’ennuie. Il part voyager autour du monde et rencontrer des gens dont il se sent proche. Il finira par atterrir en Alaska, où il se réconciliera avec la joie de vivre. Après avoir annoncé à sa chef qu’il démissionne de son gagne-pain dans une usine d’assemblage de matériels de pêche.

Dans son cocktail gagnant, il faut ajouter des amis qui l’acceptent tel qu’il est – de vrais amis quoi-, une poignée d’antidépresseurs et une bonne dose de yoga, un point commun qu’il partage avec son compatriote John Gilmore, co-fondateur de l’Electronic frontier foundation (EFF), première association de défense des libertés numériques, créée en 1990 :

Je médite depuis que j’ai treize ans. Au début, je le faisais pour les mauvaises raisons. Je le faisais pour essayer et me “réparer” et bien sûr cela a fini par faire des noeuds dans mon pauvre esprit de treize ans. Maintenant, j’accepte tous les aspects de ma personne, même celles qui craignent. Je n’ai pas peur de me regarder en entier.

Réalité virtuelle dans la Silicon Valley

Après le grand froid, il repart aux États-Unis et s’installe à San Francisco, où il vit encore aujourd’hui. Hasard des connexions, il rencontre quelqu’un qui travaille dans ce qu’il appelle la “Silly valley” et fonde avec lui une start-up dans la réalité virtuelle, pionnier sans le savoir dans ce domaine en pleine expansion aujourd’hui. L’expérience est aussi fatigante qu’heureuse, à travailler avec des gens qu’ils aiment, dans une ambiance pleine de créativité, encore une notion clé de notre hacker.

Il finira par démissionner pour des questions éthiques : les militaires commencent à s’intéresser à la réalité virtuelle pour concevoir des simulateurs. Il apprend alors les joies lucratives du conseil, qui lui permet de travailler un peu et de faire ce qui lui plait le reste du temps. Mais ce mode de vie finit par lui laisser un sentiment d’insatisfaction.

Pas plus satisfaisante sera son aventure dans la société qu’il co-fonde en 1997, 3ware, toujours dans l’électronique. “Le pire boulot de ma vie”. Quand la boîte est revendue, pour 150 millions de dollars, il empoche 60 000 dollars et achète de quoi fabriquer 20 000 TV-B-Gone.

Bre Pettis, hacker connu pour avoir créé l

Je voulais plus qu’une vie OK, je voulais une vie que j’aime à fond (I wanted a life I totally fucking love), même si cela signifiait ne pas gagner d’argent du tout, afin d’avoir le temps découvrir les choses que j’aime vraiment. C’est ce qui finalement m’a conduit à fabriquer, produire et vendre TV-B-Gone. Ce qui a été le début d’une nouvelle étape de ma vie.”

Il crée donc une nouvelle société, Cornfield Electronics, qui sera la bonne.
L’intégrité qui l’a poussé à démissionner ne l’a pas quittée, alors que certains mettent de l’eau dans leur vin, pour des raisons variées, où la gloire et/ou l’argent ont leur part : Mudge, star du hackerspace L0pht rejoignant Darpa, l’agence de recherche et développement du département américain de la Défense, pour prévenir des WikiLeaks bis, grandes entreprises faisant leur marché lors de DefCon, un des grands raouts annuels de hackers.

Si les gens font d’abord cela pour de l’argent, ce n’est pas un choix très sage de leur part. Je ne m’autoriserais pas à dire à qui que ce soit ce qu’il doit faire ou pas. Mais j’aime encourager les gens à réfléchir à leurs motivations et à ce qu’ils aimeraient faire et le faire vraiment.

Récemment, il a écrit à Make magazine, le magazine de la communauté des makers (bricoleurs), avec qui il collabore de longue date :

je leur ai dit que je ne pourrais pas continuer de collaborer avec eux à Maker Faire car ils ont accepté une bourse de la Darpa. C’est une organisation fantastique qui a fait des choses géniales pour moi et plein d’autres gens, et continuera de le faire, mais je trouve extrêmement fâcheux qu’ils acceptent de l’argent de la Darpa. Ils n’ont pas besoin de cet argent. Ils en ont assez de la part de gens qui ont des motivations très fortes pour les aider.

Soudure avec les enfants

Sa société lui laisse donc le temps de voyager beaucoup, au point qu’il a conçu un passeport hacker, qu’il a tamponné abondamment. À Rennes, aux côtés de John Lejeune de Hackable devices, les pionniers français de l’open hardware, il a transmis son savoir. “Hey Mitch can you help me la patte ?” (à lire avec un accent à trancher au couteau), interroge Emmanuel, un jeune homme membre de l’association d’éducation populaire scientifique Les petits débrouillards. “Le patte say la plus long positive… “ (accent tout aussi épais). Mais ce n’était pas un problème de polarité mais de patte mal logée dans le circuit. Mitch lui refile son astuce : il ne suffit pas de chauffer la patte en la poussant, il faut aussi rajouter du fil d’étain pour que la chaleur soit conduite plus vite.

Quand il n’est pas en déplacement, soit une petite moitié de l’année, il partage aussi son savoir-faire en électronique à Noisebridge, le hackerspace de San Francisco qu’il a co-fondé en 2008 avec Jacob Appelbaum, figure du logiciel libre et un des artisans du projet TOR, qui vise à naviguer de façon sécurisée et confidentielle sur Internet.

À Noisebridge, on y soude tous en rond.

L’utopie au pouvoir

Mitch est super cool, Mitch n’a pas d’ennemis, Mitch vit de ce qu’il aime mais Mitch peut aussi passer pour un geek utopique petit blanc. Il pense sincèrement que tout le monde peut atteindre cet équilibre, en injectant une dose de décroissance qui n’aurait pas déplu à Aristote et ses besoins non utiles et non nécessaires. Sans tomber dans le discours Bisounours :

Malheureusement, tout le monde n’a pas tant d’opportunités disponibles, c’est même plutôt le contraire, avec les guerres, les dictatures, les gens pauvres, l’absence de structures… Afin d’avoir une vie que vous aimez, il faut adopter un mode de vie basique, avec les besoins nécessaires de tout animal sur Terre (abri, nourriture). Tout le monde n’a pas ces choses basiques. Par nature, nous sommes des animaux sociaux. Nous avons besoin les uns des autres non seulement pour survivre mais pour nous développer. Pour aimer quelque chose, nous avons besoin d’amis, nous avons besoin des gens que nous aimons.

Et bien sûr, les hackers ont un rôle à jouer, éminemment politique au sens noble. Fidèle à la doocracy des hackers, faire plutôt que dire, il s’est ainsi rendu en Egypte cet automne à l’occasion de Maker Faire Africa, lançant un appel au développement des hackerspaces en Afrique. La valise pleine de fers à souder bien sûr, qui ont chauffé sec. Et rebelote en avril, direction la Chine. Il n’est pas inquiet que l’État soit derrière certaines initiatives : “j’espère que le gouvernement chinois se hackera lui-même.”


Vous pourrez rencontrer Mitch Altman à Paris la semaine prochaine :

- le mardi 7 février : atelier Arduino pour les débutants, organisé par Fabelier au CRI de 19 heures à 22 heures.

- le mercredi 8 février : projection-débat sur l’artivisme et le médiactivisme, organisée par l’association des citoyens cyber-journaliste à la Maison des Associations du 14ème arrondissement


Photos par Bre Pettis/Flickr (nc by) et maltman23/Flickr (by sa)
Portraits de Mitch Altman par Ophelia Noor pour Owni et Alexander Klink/WikimediaCommons (CC-by)

]]>
http://owni.fr/2012/02/06/mitch-altman-hacker-qui-bat/feed/ 27