La Secopex contre l’Élysée, tout contre

Des documents exclusifs obtenus par OWNI montrent que la société de prestations militaires privées Secopex, dont le patron a été abattu en Libye, était en relation avec l'Élysée dans le courant de l'année 2008.

La Secopex, société militaire privée, impliquée dans un accrochage en Libye, avait été en relation avec l’Elysée dès 2008. Son fondateur, mort à Benghazi il y a deux semaines, avait été reçu par une conseillère technique de la présidence de la République, pour présenter un projet de sécurisation des ambassades. Par sa société.

Abattu à Benghazi, fief des rebelles libyens, dans la nuit du 11 au 12 mai, Pierre Marziali a emporté de nombreux secrets avec lui. Même les conditions de la mort du fondateur et directeur de la Secopex restent troubles. Pour l’instant, la version relayée dans les médias évoque un incident à un check-point avec des policiers qui aurait mal tourné.

La Secopex est la seule société française à revendiquer ouvertement l’appellation de société militaire privée (SMP). Les autres? Elles préfèrent se considérer comme des “sociétés privées de sécurité ou de sûreté”, une appellation également préconisée par le Secrétariat général de la Défense et de la sécurite nationale (SGDSN). Sur le modèle des SMP anglo-saxonnes, la Secopex a proposé ses services à l’État français, et a été reçue à l’Élysée, comme le montrent des documents obtenus par OWNI.

Dans un mail envoyé le 21 janvier 2008, Pierre Marziali évoque “l’externalisation de la sécurité d’une ambassade [...] comme évoqué lors de notre réunion du 7 janvier”. Ce message est adressé à Cécile Fontaine, conseillère technique du président de la République, chargée de la Défense, des finances publiques et de la réforme de l’État, le courrier est accompagné d’un court document récapitulatif.

Au palais de l’Élysée nous avons contacté Cécile Fontaine, qui n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet:

Aucun commentaire à faire là-dessus.

“Elaboré par un groupe de travail multidisciplinaire composé d’anciens hauts fonctionnaires de la Défense et de l’Intérieur”, le projet de Marziali prévoit la protection des ambassades et des consulats, ainsi que des établissements culturels, scientifiques et d’enseignement français à l’étranger. L’objectif? “Assurer une aussi bonne sécurité à moindre coût”, un argument d’économie auquel est sensible le gouvernement. C’est la moëlle de sa révision générale des politiques publiques (RGPP), qui vise à resserrer les cordons de la bourse.

Sur ce postulat, la Secopex proposait de réaliser une étude et de la mettre en oeuvre à titre d’expérimentation “sur une représentation [diplomatique]“ avant d’être “étendue à d’autres implantations diplomatiques”. L’opération devait être testée dans deux pays, “dont un de l’Union européenne”.

L’entretien à l’Elysée avait été arrangé par Charles Cova, député RPR/UMP de Seine-et-Marne entre 1993 et 2007, mis en copie dans le mail. S’il confirme son intervention, l’ancien vice-président de la commission de la Défense à l’Assemblée nationale affirme avoir rompu toutes relations avec le directeur de la Secopex depuis:

Un ami général qui avait eu Marziali sous ses ordres me l’avait recommandé. J’ai adressé un courrier à Madame Fontaine pour qu’elle le reçoive.

L’échec somalien

Pour autant, cette tentative de séduction de la Secopex auprès de l’Élysée n’est pas le seul rapprochement de l’entreprise avec les autorités françaises. Quelques mois plus tard, la société de Pierre Marziali avait procédé à un intense lobbying pour obtenir le soutien de l’État dans un contrat avec le gouvernement somalien. Au mois de mai 2008, l’ancien parachutiste du 3e RPIMa s’était même affiché aux côtés du président Abdullahi Yusuf Ahmed, dans l’espoir d’obtenir un juteux contrat de sécurisation des côtes. En jeu, la protection des centaines de navires qui croisent quotidiennement dans le golfe d’Aden et sont victimes d’actes de piraterie.

Mais la Secopex n’a jamais obtenu gain de cause, ne parvenant à arracher qu’une déclaration d’intention qui ne sera pas honorée. Un échec que Pierre Marziali impute aux autorités françaises, à qui il reproche un soutien défaillant. En 2009, dans un numéro de la revue militaire Marine, il règle quelques comptes:

Malgré de multiples relances du dossier, dans un contexte où la France assumait la Présidence de l’Union Européenne, nos appels ont été vains alors que nous avions identifié, à travers de nombreux documents officiels plus de 400 millions d’euros de lignes budgétaires disponibles. [...] Tout cela illustre également un manque de courage, de clairvoyance propre à certains grands commis de l’État, sclérosés dans leur fauteuil et ne voulant surtout pas bousculer l’ordre établi au risque d’être mal perçus.

Mercredi 18 mai, la commission Défense de l’Assemblée nationale devait se réunir et mener des auditions en vue de la publication d’un rapport d’information sur les sociétés militaires privées à la fin de l’année. Pierre Marziali était attendu. Il n’est jamais venu.


Crédits photo: Flickr CC The U.S. Army

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