Un pirate à l’abordage du PS parisien

Le 18 avril 2012

Hervé Breuil, figure de la culture du quartier populaire parisien de la Goutte d'Or à Paris, est en guerre contre les éléphants du PS du XVIIIème arrondissement. Enjeu : sa salle de spectacle le Lavoir moderne parisien. Nouvelle arme : une candidature aux législatives sous l'étiquette du Parti Pirate.

Gogol 1er, artiste et mentor, et Hervé Breuil (à droite) avant la conférence de presse au Lavoir Moderne à Paris XVIII, mercredi 18 avril 2012 - (cc) O. Noor/owni

Partir à l’abordage du fief socialiste du XVIIIème arrondissement de Paris, fief du maire Bertrand Delanoë, de Daniel Vaillant et de Lionel Jospin : telle est l’ambition d’Hervé Breuil, figure de la culture du quartier populaire de la Goutte d’Or. Sa stratégie : se présenter comme candidat du Parti Pirate aux législatives de juin prochain, dans la 19ème circonscription. Il l’a annoncé ce mercredi lors de la conférence de presse du Parti Pirate (PP), qui présentait ses candidats aux élections.

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Cette candidature est une nouvelle bataille dans la guerre qui l’oppose à nos éléphants roses. Il les accuse de vouloir rayer de la carte un lieu emblématique de la culture populaire authentique. Depuis un quart de siècle, Hervé Breuil s’est effectivement fait une réputation à la tête du Lavoir moderne parisien, une salle de spectacle qu’il a créée dans le lavoir dont s’inspira Zola pour L’Assommoir, rue Léon.

Son credo, la création artistique et le multiculturalisme, qu’il s’est efforcé de promouvoir dans le quartier. Une sorte d’anti-104, ce centre culturel créé artificiellement au milieu d’un quartier populaire par la volonté de la Mairie de Paris, qui n’a jamais pris racine. Car les gros sous ne sont pas la garantie d’une implantation réussie. A contrario, Le Lavoir moderne parisien a un budget nettement plus modeste que le 104, des dettes, 48 000 euros, mais il peut être fier de son bilan. Même Le Figaro le soutient avec force, c’est dire.

Le Lavoir moderne, 35 rue léon, Paris XVIII - (cc) O. Noor/owni

Grève de la faim, lettre ouverte au maire de Paris, mobilisation d’artistes, démission de son poste de directeur, Hervé Breuil a multiplié les actions pour se faire entendre. La dernière en date : hisser les couleurs du Parti Pirate, au propre comme au figuré. Un choix logique :

C’est naturel par rapport à mes convictions. Le Parti pirate défend la liberté culturelle, la transparence. Je pratique la démocratie culturelle, ils prônent la démocratie ouverte. J’aime ce rapport ouvert, dans le sens de la mondialisation. Je sens aussi la rupture, entre l’ancienne génération et la nouvelle, qui a grandi avec Internet, et le Parti Pirate dépasse les clivages gauche-droite, il se place dans une logique avant-après. Ils sont en train de renverser la politique.

Symboliquement, le Parti Pirate a choisi de faire sa conférence de presse au LMP, “un haut lieu de la culture libre”, et lui a laissé le micro en introduction pour qu’il rappelle la situation.

Numérique

Le Parti pirate est issu de la culture numérique, un candidat comme Hervé Breuil peut sembler atypique, avec ses allures de titi parisien. En dehors du couplet sur les-jeunes-qui-baignent-dans-le-numérique, le néo-candidat pirate fréquente Internet depuis quinze ans. Il a exploré depuis les années 80 et de ce qu’on appelait alors le multimédia. Il se souvient :

Cela fait longtemps que je réfléchis à l’apport d’Internet, je me suis connectée pour la première fois en 1995. Je militais pour Altern.org1 J’ai fait partie des 45 000 abonnés qui ont été coupés à leur fermeture. Et dès les années 1980, nous avons organisé des expériences multimédias, il y a eu douze performances de 1986 à 1995.

Entrée en résistance

Côté stratégie, pas de flyers, de meeting, d’affichage : il laisse ça aux “vieux renards qui ne pensent qu’à garder leur place”. Idéalement, Hervé voudrait opter pour la tactique du silence, de même qu’il s’est efforcé en tant que directeur d’accompagner les artistes, de leur “offrir une qualité de silence”.

Drapeau du Parti Pirate sur les vitres du Lavoir Moderne - (cc) O. Noor/owni

Mais ce n’est pas en se taisant qu’on atteint l’objectif ambitieux qu’il s’est fixé : 6% des voix (pour mémoire, le score maximal du Parti Pirate aux législatives est de 2,08 %). Il évoque la mise en place d’“un système de résistance”, qui cherchera à mettre en avant les idées et pas la personne. Toutefois, c’est bien sa personnalité au background d’artiste qui donne le ton :

On va installer un mini-camping de survie, une cantine, une web TV en direct avec des actions tous les jours, le Lavoir moderne parisien sera le premier “lieu pirate” ouvert à Paris. On avance dans la provocation, la surprise, la performance, le décalé. On veut des formes neuves, pour ringardiser les pratiques actuelles.

Expérience

Pour être sincèrement usé par son combat, Hervé Breuil n’en est pas moins un communicant efficace, dont ferait bien de s’inspirer le bégayant Parti Pirate français. Faire bénéficier ses cadets de son expérience en matière de politique fait partie de ses projets.

Hervé Breuil avant la conférence de presse au Lavoir Moderne à Paris XVIII, mercredi 18 avril 2012 - (cc) O. Noor/owni

Et on se dit qu’avec de tels profils, le Parti pirate arriverait peut-être à décoller, à l’image de ses frères allemands ou suédois. Malgré le sempiternel argument du système électoral français qui ne favorise pas les petits partis. Lui voit loin, rêve d’une triangulaire dans sa circonscription, pense déjà aux régionales, aux municipales et aux européennes. Mais garde un flou artistique sur la façon de gagner :

“Il ne faut pas opter pour la stratégie de la visibilité car c’est la porte ouverte à la récupération.”


Photographies par Ophelia Noor pour Owni /-)

  1. hébergeur français des années 1990, attaqué plusieurs fois en justice pour des contenus mis en ligne par des abonnés. Il y a eu en particulier le procès intenté par Estelle Hallyday en 1999, car des photos d’elle nue s’était retrouvées en ligne. Elle avait attaqué l’hébergeur et non le propriétaire du site et obtenu gain de cause. Cette affaire avait fait jurisprudence sur la question de la responsabilité de l’hébergeur. Condamné à 400 000 francs de dommages et intérêts et frais judiciaires, Altern.org a dû fermer en 2000. []

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